Le canton de Kobané, qui fait partie de Rojava, est assiégé depuis le 16 septembre et est devenu un des points centraux de la résistance contre l’Etat Islamique (Daesh). Beaucoup d’informations font états des défenseurs de Kobanê qui stoppent l’avancée de Daesh, alors que beaucoup pensaient que Kobané était sur le point de tomber. Mais le danger n’est toujours pas écarté et des milliers de personnes font face à la menace d’un massacre.
Traduction d’un tract de Sosyalist alternatif (Alternative Socialiste, CIO -Turquie)
L’organisation barbare de l’Etat Islamique attaque Kobanê avec des tanks et des missiles, une force militaire semblable à celle d’un Etat de taille moyenne. L’Etat turc et son gouvernement AKP (Parti pour la justice et le développement, au pouvoir depuis 2002) ont offert un énorme soutien à l’Etat Islamique et tentent de bloquer tout soutient en direction de l’YPG (Unité de protection du peuple, branche armée du parti kurde de l’union démocratique – PYD), les forces armées qui combattent à Kobané. Ils ont aussi terrorisé la population qui manifeste en solidarité à Kobané, mettant des obstacles à la lutte contre l’Etat Islamique, y compris par le renforcement d’une législation répressive en Turquie.
Les habitants de Rojava se sont mobilisés pour prendre le contrôle de la région qu’ils habitent – un processus qui a débuté à Kobané en 2012. Ils ont essayé d’établir une région autonome basée sur le modèle de laïcité et d’auto-détermination, au delà des divisions ethniques et religieuses. Cette situation a constitué une avancée considérable pour la plus grande nation apatride du monde, les Kurdes, mais elle s’oppose aussi au sombre agenda de groupes réactionnaires comme l’Etat Islamique et d’autres présents au Moyen-Orient.
L’Etat Islamique recourt aux méthodes les plus brutales pour créer une atmosphère de peur et essaie d’instaurer un Etat théocratique basé sur des lois des plus réactionnaires. Parmi ses nombreuses cibles, Daesh veut anéantir le PKK (Parti des Travailleurs Kurdes) et le PYD (le Parti de l’union démocratique) de cette région parce qu’avec leur idéologie laïque, ils prônent des politiques contraires à l’Etat Islamique et représentent une menace face à ses objectifs. À côté de ça, Daesh veut élargir son ‘‘Etat islamique’’, son califat autoproclamé, en prenant la ville stratégique de Kobané et en augmentant son emprise dans la région.
Le régime turc, de son côté, veut réduire en miettes les accomplissements des Kurdes, et veut assurer son statut de puissance impérialiste régionale en lançant une intervention militaire contre le régime d’Assad en Syrie avec, ils l’espèrent, le soutien des grandes puissances impérialistes occidentales. Ces puissances impérialistes occidentales perdent graduellement du terrain dans cette région, elles souhaitent donc également restaurer leur mainmise en se faisant passer comme les sauveurs des peuples de la région.
Les impérialistes sont-ils ou non des sauveurs ?
C’est surtout après l’attaque de l’Etat Islamique sur Shingal que de nombreuses personnes se sont mises à demander une intervention miliaire et des livraisons d’armes de la part des puissances impérialistes. Pareilles demandes sont apparues dès le début du siège de Kobané. Mais l’idée de stabilité des impérialistes et des gouvernements de Turquie et des autres pays de la région n’a rien à voir avec le véritable désir de stabilité des masses de la classe ouvrière.
Pour ces régimes, la stabilité signifie le pillage continu du pétrole et des ressources de la région ainsi que le maintien de leur rapport de force ; cela ne signifie pas la fin des bombardements, des morts, de l’oppression ou de l’exploitation. Les organisations ou Etats favorables au capitalisme veulent détourner les revendications concernant l’aide humanitaire et militaire des populations qui risquent de se faire massacrer dans le but de poursuivre leurs propres intérêts.
Il est facile de comprendre pourquoi la population, qui est sous la menace d’un massacre, demande le bombardement des positions de l’Etat Islamique autour de Kobané ou l’ouverture d’un corridor humanitaire à partir de la Turquie pour venir en aide à la résistance de Kobané. Mais les récents évènements ont montré comment les différentes puissances agissent afin de défendre leurs intérêts et maîtriser le mouvement de masses. Les USA ont commencé à fournir un armement limité aux défenseurs de Kobané mais demandent déjà une compensation politique au mouvement de résistance qui ne devra pas menacer les intérêts américains dans la région !
Bien que toujours dissimulées sous des objectifs humanitaires, toutes les interventions militaires dans la région soutenues par les impérialistes se sont transformées en bains de sang (Irak, Lybie) et, de plus, sont en grande partie à l’origine même du cauchemar actuel que vivent les Kurdes ainsi que d’autres populations de la région.
La décision du gouvernement AKP de permettre à sont allié corrompu, le régime de Barzani (président du gouvernement régional du Kurdistan du sud, région semi-autonome du Nord de l’Irak), d’envoyer ses propres forces à Kobané a pour double but de repousser Daesh et de tenter de contrôler le mouvement à Rojava en essayant d’écarter les combattants les plus à gauche du PKK et du PYD.
C’est pourquoi le combat contre Daesh doit faire partie d’une guerre révolutionnaire qui ferait appel à tous les travailleurs et les opprimés dans le but de les unir contre l’oppression et pour une réelle alternative à tous les gouvernement pro-capitalistes corrompus et répressifs d’un bout à l’autre de la région. C’est aussi la meilleure façon d’ébranler le soutien dont dispose l’Etat Islamique en unissant tous les travailleurs, qu’ils soient kurdes, turcs, arabes, sunnites, chiites, chrétiens ou autres.
Défendre Rojava
Défendre Rojava est important à bien des égards. La chute de Kobané signifierait non seulement le probable massacre de nombreuses personnes, mais aussi l’écrasement d’une lutte qui a inspiré nombre de kurdes, de jeunes et de travailleurs à travers le monde. Cela renforcerait aussi l’Etat Islamique géographiquement et logistiquement.
Auparavant, les régimes staliniens de l’ancienne URSS et d’Europe de l’Est, malgré leurs monstrueuses dérives dictatoriales, exerçaient un contrepoids international aux politiques capitalistes et impérialistes. Après leur effondrement dans les années ‘90, le mouvement des travailleurs a essuyé d’énormes revers internationalement à cause du désenchantement des travailleurs dans une alternative au capitalisme. Les organisations socialistes du Moyen Orient se sont dispersées ou ont viré à droite. La masse des travailleurs et des paysans du Moyen Orient ont souffert encore plus de l’oppression à travers la pauvreté, les interventions impérialistes et les régimes dictatoriaux. Ces masses ont commencé à chercher une alternative et une couche s’est tournée vers des islamistes de droite voire même vers des organisations djihadistes. Cela ne règle pas les problèmes des gens ordinaires ; au contraire la situation a empiré et est devenue plus compliquée.
Cependant, l’ère du triomphalisme capitaliste est terminée. Le capitalisme se trouve actuellement dans une crise historique. Des révoltes de travailleurs, de pauvres et de jeunes contre le capitalisme ont également secoué le monde. Les masses égyptiennes et tunisiennes ont renversé des dictateurs il y a bientôt quatre ans. La défense, et enfin le succès, de la lutte à Rojava pourraient définitivement influencer ces luttes et aider à les faire progresser. Mais ces mouvements de masse ont aussi montré à quel point il est vital de maintenir une évolution indépendante de toute force pro-capitaliste afin de construire la lutte la plus efficace.
Le modèle de gestion de Rojava ne peut pas être prospère s’il est basé sur le capitalisme et confiné à ses petits cantons. Rojava a une structure industrielle très limitée, ces zones isolées ne peuvent être viables si elles ne deviennent pas des pôles d’attraction pour les travailleurs et les pauvres paysans qui vivent dans la région aux alentours.
Pour que cela arrive, il est plus que nécessaire que la majorité de la population soit impliquée dans la résistance et la défense de Rojava. Prenant ses inspirations des meilleurs exemples de résistance militaire de la classe ouvrière, comme la lutte des travailleurs de Barcelone contre le coup d’Etat fasciste de 1936 en Espagne, des milices de volontaires et des comités organisés démocratiquement doivent être construit, et renforcés là où ils existent, afin d’impliquer l’essentiel de la population et construire la résistance la plus puissante contre l’offensive menaçante de l’EIIL.
Cela devrait être fait avec l’objectif conscient de construire une lutte massive et internationale pour renverser la course au profit du système économique qu’est le capitalisme au Moyen Orient par les masses, l’action et l’organisation indépendante et non sectaire de la classe des travailleurs et des pauvres de toute la région. C’est pourquoi Alternative Socialiste lutte pour le développement d’une Rojava socialiste dans le cadre d’une confédération volontaire socialiste du Moyen Orient et d’un monde socialiste.