Argumentaire en défense de la grève. ?#?jefaisgrève?

Les syndicats viennent d’annoncer quel était leur plan d’action. Les jours à venir, une tournée d’information et d’actions de sensibilisation sera organisée, avec ensuite une manifestation nationale à Bruxelles le 6 novembre prochaine. Il y aura également grève à Liège le 24 novembre, de même qu’à Anvers et dans le Luxembourg. Le 1er décembre, la grève touchera Namur, Gand et le Hainaut. Le 8 décembre, ce sera au tour du Brabant-flamand, du Brabant wallon et de Bruxelles. Ensuite, une grève générale est prévue, dans tout le pays, pour le 15 décembre.

C’est une excellente initiative qui, évidemment, a été décriée par le gouvernement et les organisations patronales. « On n’a pas encore la moindre explication du gouvernement et on va déjà dans la rue », a ainsi déclaré Pieter Timmermans, administrateur-délégué de la Fédération des Entreprises de Belgique. Il nous semble pourtant que nous avons eu largement assez d’explications de la part du gouvernement Michel pour justifier une riposte sérieuse de la part du monde du Travail…

Qu’est-ce que tout cela peut donc bien avoir à faire avec moi ?

Ce que prévoit ce gouvernement des riches représente une attaque en règle contre nos conditions de vie. Voici quelques-unes (et seulement quelques-unes…) des mesures issues du catalogue des horreurs du gouvernement :

  • Un saut d’index et une longue période de “modération salariale”. Sur l’ensemble d’une carrière, un saut d’index, cela signifie concrètement une perte de quelque 20.000 euros.
  • Travailler plus longtemps : il n’est pas seulement question de l’augmentation de l’âge de la pension, mais aussi de l’âge de la retraite anticipée et de la limitation des possibilités de crédit-temps.
  • Nos services publics seront littéralement plumés. Nous aurons à payer plus pour des services de qualité moindre tandis que le personnel verra ses conditions de travail être détériorées.
  • Les soins de santé verront leurs moyens considérablement limités.
  • Alors que des emplois disparaîtront dans le secteur public, il y aura imposition du travail forcé pour les chômeurs de longue durée, sous la forme de deux demi-journées de « service à la communauté ». Si du travail doit être fait, pourquoi ne pas embaucher ceux qui le feront avec de vrais contrats et de bons salaires ?

En bref, les attaques pleuvront sur nous tous, que l’on soit jeune ou pensionné, travailleur avec ou sans emploi.

Tout le monde ne doit-il quand même pas faire un effort ?

Cette semaine, l’étude annuelle du Crédit Suisse consacrée à la richesse mondiale (Global Wealth Report) a révélé que la richesse mondiale n’a jamais été aussi grande, avec une moyenne de 56.000 euros par adulte à travers le globe. La somme totale est supérieure de 20 % au plus haut montant jamais enregistré avant la crise ! « Cette croissance est principalement due à la performance des marchés de capitalisation des États-Unis et en Europe. » Il ressort également de ce rapport que les 10 % des plus riches détiennent 87 % de la richesse mondiale alors que les 50 % les plus pauvres n’en détiennent que… 1 % ! Les inégalités ont atteint un niveau « anormalement élevé » pouvant conduire à la récession.

Comme le philosophe français Piketty l’observe: «Les 1% les plus riches aux Etats-Unis se sont accaparés 60% de l’augmentation du revenu national américain entre 1977 et 2007. » Depuis le début de la crise, les riches sont devenus encore plus riches, tandis que la grande majorité de la population a cédé du terrain. La coalition suédoise va poursuivre ce sale travail et puiser dans nos salaires, nos avantages sociaux et nos services publics pour donner des cadeaux aux patrons. La seule mesure destinée à (un peu) toucher les patrons (porter d’un à deux mois la période de salaire garanti en cas d’incapacité de travail) a immédiatement été retardée. Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne… Ce dont il est en réalité question, c’est de poursuivre et d’accentuer le transfert de richesses de la population ordinaire vers les super-riches.

OK. Mais les employeurs doivent quand même eux-aussi participer à l’effort non? Avec la « taxe Caïman » ?

L’impact de cette taxe, la « taxe de transparence » (qui vise les montages financiers dans les paradis fiscaux), est très clair. Même le président du CD&V a dû reconnaître que l’apport serait « modeste ». Par contre, le saut d’index est un cadeau de 2,6 milliards d’euros pour les employeurs ! Un jeune perdra plus de 20.000 euros au cours de l’ensemble de sa carrière. Avec cette nouvelle taxe, le gouvernement espère récolter sur 120 millions d’euros, une somme considérée comme exagérée par divers spécialiste. Face à cela, les patrons recevront un cadeau de 2,6 milliards d’euros avec la seule mesure du saut d’index.

Comme cela a déjà été dit, la seule mesure qui s’en prendra un peu au patronat a déjà été reportée d’un an et les employeurs espèrent que cette mesure ne verra jamais le jour. Les patrons savent très bien que nous travaillons tous plus longtemps et plus durement, mais ils ne veulent pas prendre leurs responsabilités quant aux conséquences en termes de stress, d’épuisement et d’autres formes d’incapacité de travail. Tout ça, cela doit selon eux être aux frais de la collectivité.

Nous vivons plus longtemps, c’est quand même normal de travailler plus longtemps non ?

Nous vivons plus longtemps, c’est vrai, mais nous sommes aussi beaucoup plus productifs. Il y a vingt ans, l’espérance de vie d’un travailleur était légèrement plus courte qu’aujourd’hui. Mais les travailleurs qui arriveront demain à l’âge de leur pension auront beaucoup plus contribué. En 1980, pour chaque heure prestée, nous étions 111% plus productifs qu’en 1965. Entre 1980 et 1995, l’augmentation de la productivité était de 36% et, en 2009, nous étions encore 15% plus productifs par heure prestée par rapport à 1995.

Cette forte augmentation de la productivité signifie que nous produisons plus dans le même temps. Nous produisons donc plus de richesses pour les employeurs et la collectivité. Cette augmentation de la productivité ne peut pas seulement être attribuée aux innovations technologiques, car la charge de travail est croissante, ce que confirment les données relatives aux burnouts et au stress. Qu’est ce qui justifie de reporter de plusieurs années le fait de pouvoir bénéficier de sa pension après avoir travaillé très dur autant de temps? Où s’arrêtera-t-on ? L’âge d’accès à la pension dépassera-t-il un jour l’espérance de vie ?

Il s’agit tout de même de l’avenir de nos enfants…

S’il s’agissait vraiment de l’avenir de nos enfants, pourquoi ce domaine n’est-il pas épargné par l’austérité ? Tout ce qui est important pour la jeunesse voit ses moyens se réduire, et cela ne dépend d’ailleurs pas que du fédéral… L’enseignement est loin d’être gratuit en Belgique, très certainement dans le cas du supérieur, et on prévoit encore 240 millions d’euros d’économie dans les budgets de la Fédération Wallonie-Bruxelles (dont environ 80% des moyens sont consacré à l’enseignement.

A côté de cela, la politique à destination de la jeunesse est de plus en plus répressive : pensons seulement à l’usage des Sanctions Administratives Communales (SAC). Et se construire un avenir avec des services publics plus chers, des salaires moindres, les attaques sur les allocations de chômage,… ne sera pas évident.

Ne devrions-nous pas attendre les consultations avec les autorités et ensuite passer à l’action ?

Le gouvernement affirme vouloir consulter les syndicats avant de mettre ses mesures en œuvre. Mais les décisions sont déjà prises. L’accord de gouvernement lui-même ne parle que de demander leur avis aux « partenaires sociaux ». Ce gouvernement de droite dure est déterminé à déployer une offensive de grande ampleur contre notre niveau de vie. Cette droite n’est pas intéressée par le dialogue social, cela a été explicité très clairement par un journaliste pro-NVA du quotidien De Standaard (Discart), qui a déclaré : « J’espère que l’accord gouvernemental frappera les Wallons de telle manière à ce que leurs nombreuses grèves causent un chaos total. » Qui est responsable de l’organisation du chaos avec des propos pareils ? Nous n’avons pas de temps à perdre, nous devons sérieusement organiser la résistance sociale.

Ce gouvernement a quand même été démocratiquement élu ?

Nous avons le droit démocratique de mener des actions. Mais le gouvernement va tout faire pour limiter ce droit, il suffit de penser au service minimum dans les transports publics (s’il fallait réellement défendre ces services, ils n’organiseraient pas l’austérité à la SNCB…). Mais le droit démocratique à l’action existe toujours bel et bien. Si nous voulons bloquer ces mesures antisociales, nous aurons besoin de recourir à ce droit, qu’il faut défendre avec énergie. Le gouvernement ne traitera qu’avec mépris les actions ludiques et symboliques.

Pourquoi dois-je faire grève ?

Aucune conquête sociale n’a été obtenue en la demandant gentiment. C’est grâce à la lutte collective et à la grève que nous avons pu gagner diverse réformes qui ont amélioré le sort des travailleurs et de leurs familles. A chaque moment, le patronat a parlé de « prise d’otage » de la population et de l’économie par les grévistes. Si on laissait faire les patrons, nous nous retrouverions sans la moindre protection sociale. Ils organisent notre misère et l’effondrement de nos conditions de vie, et celui qui ose dire quoi que ce soit à ce sujet doit faire face à la répression.

Quel a été le résultat des grèves précédentes ? La fin du travail des enfants, le suffrage universel, la sécurité sociale, les congés payés, l’indexation des salaires, la législation sur la sécurité et la santé au travail,… Celui qui pense que tout cela est sans importance a des raisons de résister à la grève. Nous comprenons donc la position anti-grève défendue par les organisations patronales (VOKA, FEB,…) et par ce gouvernement des riches. Mais la majorité de la population n’a que des intérêts à trouver dans le soutien aux actions de grève.

Serons-nous écoutés ?

Une seule chose est certaine : rien ne bougera si nous demandons gentiment de revenir sur les mesures antisociales. Une grève paralyse tout le système économique et clarifie de suite qui sont les véritables producteurs de richesses : les travailleurs. Une simple protestation est insuffisante, une promenade de santé à Bruxelles également. Nous avons maintenant la base pour un plan d’action avec des tournées d’information dans les entreprises suivies d’une manifestation nationale précédant des grèves provinciales et la tenue d’une journée de grève générale le 15 décembre.

Nous pouvons saisir cette occasion pour aller vers la victoire. Les réunions d’information permettront de pousser la discussion le plus largement possible sur ce qui convient de faire pour faire chuter ce gouvernement. Ces discussions permettront une large mobilisation contre le gouvernement, mais aussi d’aller un pas plus loin, contre l’austérité sous toutes ses formes.

Que voulons-nous au final ?

Tout au long du mouvement, il nous faudra défendre une alternative contre la politique austéritaire. Émousser les bords les plus tranchants de la politique antisociale ne suffira pas. Nous voulons repousser toute la politique d’austérité. Nous vivons dans un monde où les 85 personnes les plus riches possèdent autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale, comme l’a encore récemment dévoilé une étude d’Oxfam.

Nous sommes de plus en plus nombreux à être convaincus que ce système est à renverser. La tâche peut paraître titanesque, mais la colère contre l’establishment capitaliste se répand et se renforce. Reste à l’organiser de manière conséquente, avec un programme capable d’arracher les leviers de l’économie à la rapacité des actionnaires, spéculateurs et grands patrons pour les placer dans les mains de la collectivité : le programme du socialisme démocratique.

Les travailleurs n’ont rien à perdre que leurs chaînes, ils ont un monde à gagner, disait Karl Marx en son temps. Il n’a jamais eu aussi raison qu’aujourd’hui.

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