Dans la déclaration de septembre du gouvernement flamand, dirigé par Geert Bourgeois (N-VA), toutes les mesures ne sont pas détaillées concrètement, mais les grandes lignes d’une politique néolibérale dure sont toutefois expliquées. Tout le monde aura droit à une mesure qui le touchera durement, de la réduction de l’offre de services publics à des frais supplémentaires à supporter pour l’enseignement ou l’augmentation de la prime de soin. Le point de départ est que tout le monde devra se serrer la ceinture. Tout le monde ? Pas vraiment ! Les seuls qui ne doivent pas craindre d’être touchés par toutes les mesures énumérées sont les grands patrons, les spéculateurs et les banquiers. Bourgeois I épargne le bourgeois pour faire payer la crise aux travailleurs et à leurs familles.
Article de Geert Cool
La déclaration de septembre doit refléter le fort changement que la N-VA réclame. Le fait d’essayer de mettre un bel emballage autour de paroles creuses est passé à l’arrière-plan pour faire place à une froide attaque en règle du niveau de vie de la population active. Les choses vont un pas plus loin qu’auparavant, lorsque la politique d’austérité était quelque peu socialement enrobée. Il s’agit ici d’un autre type de politique, plus ouvertement néolibérale, à l’image de ce qui se prépare au gouvernement fédéral.
Le budget 2015 prévoit un effort de 1,160 milliard d’euros. Les “chiffres économiques décevants, l’impact budgétaire imprévisible consécutif à la modification des règles discutables de calcul européennes et les économies imposées à toutes les entités dans le cadre de la sixième réforme d’Etat ont entraîné une énorme dépense”, selon la déclaration de septembre. L’ambition du gouvernement flamand est un budget en équilibre, “nous sommes partisans de l’orthodoxie budgétaire.” Le fait que le Bureau Fédéral du Plan remette en question l’orthodoxie budgétaire en mettant en avant que cette trajectoire pourrait faire disparaître 47.000 emplois n’entre apparemment pas en ligne de compte…
Qui doit payer si cela tient au gouvernement flamand ? Les travailleurs et leurs familles. Les partis libéraux au gouvernement mettent toujours en avant qu’ils ne veulent pas de nouveaux impôts mais en augmentant drastiquement des taxes asociales, ils nous font effectivement payer plus. L’augmentation du minerval des étudiants ou l’augmentation de la prime de soin de 25 à 50 euros sont toutes des taxes qui assurent que nous ayons tous à payer la même chose, qu’on soit millionnaire ou simple travailleur gagnant 1500 € net par mois.
La première cible du gouvernement Bourgeois, ce sont les fonctionnaires. C’est là qu’il veut sabrer. Dans son jargon de comptable, cela s’appelle une “trajectoire de réduction du personnel”. L’objectif est de faire disparaître 1950 emplois. Comment mieux assainir l’économie et créer de l’emploi que par des bains de sang sociaux ? C’est la logique qui doit avoir été pensée au gouvernement flamand. En 2015, cela devra déjà avoir rapporté 29,3 millions d’euros et pour 2019, 101,5 millions sur base annuelle. De plus, toutes les administrations doivent économiser 56,6 millions d’euros sur leurs moyens de fonctionnement. Les administrations doivent déterminer elles-mêmes où mener cette économie.
Même des institutions telles que la VRT, De Lijn et Kind en Gezin reçoivent de l’autonomie pour décider comment elles appliqueront l’austérité, à hauteur de 45,8 millions d’euros en 2015. Elles n’ont cependant pas une liberté totale. “Comme l’accord gouvernemental l’annonce, cela doit spécifiquement mener, chez De Lijn, à une augmentation du degré de couverture des coûts. Nous adaptons nos prix par rapport à l’étranger mais aussi au modèle wallon et bruxellois et nous mettons fin à la politique de la gratuité.” Cette politique de la gratuité ne reste d’application que pour les parlementaires et les ex-parlementaires… L’augmentation des tarifs s’inspirant des modèles wallon et bruxellois – tiens, le modèle N-VA consiste-t-il à appliquer docilement ce que le PS a introduit précédemment en matière d’austérité ? – signifie une augmentation drastique des prix pour un ticket qui, pour un aller simple en prévente, coûte actuellement 1,3 euro tandis qu’à Bruxelles, il est de 2 euros.
Outre le personnel du secteur public, les travailleurs et leurs familles sont également durement touchés. Ce ne sont pas les ministres avec chauffeur qui auront à souffrir de l’augmentation du prix du ticket de bus mais pour les travailleurs, cela fera mal. Et ce n’est pas l’unique mesure. La prime de soin est doublée et passe de 25 à 50 euros, ce qui signifie un coût supplémentaire important pour ceux qui ont un budget serré. Une fois de plus, on nous fait miroiter qu’il s’agit d’une contribution de solidarité pour éliminer les listes d’attente dans le secteur de l’aide aux handicapés. Si cela se produisait effectivement, beaucoup ne verraient pas d’inconvénient à payer 25 euros de plus. Mais nous avons, entre-temps, souvent entendu que c’est peu crédible. La seule chose qui soit sûre, c’est que nous devrons payer le double et ce, seulement quelques années après l’introduction de cette prime de soin. De combien augmentera-t-elle encore ?
En ce qui concerne l’augmentation du minerval, la déclaration de septembre n’est pas encore concrète. A vrai dire, elle confirme que l’augmentation arrive mais ne donne pas encore de chiffre. Rien ne vient contredire non plus l’augmentation à hauteur de 900 à 1000 euros dont tout le monde parle. Bourgeois a déclaré à l’université de Gand que cela resterait en-dessous des 1000 euros. A l’issue de la leçon inaugurale à Gand, Bourgeois a déclaré à propos de la protestation étudiante : “De mon temps, les actions étaient tout de même plus spontanées.” Apparemment, les actions ludiques ont peu d’effet sur le ministre-président. Il espère que la protestation étudiante restera limitée et sera la première à encaisser une défaite pour ensuite, pouvoir attaquer durement d’autres secteurs. La seule manière d’éviter cela est de sérieusement organiser et construire notre lutte.
Le minerval n’est d’ailleurs qu’un élément. Le gouvernement veut enlever 20 millions d’euros à l’encadrement dans l’enseignement secondaire. L’enveloppe pour l’enseignement supérieur est réduite. Et le gouvernement demande aux institutions de l’enseignement supérieur de “porter un regard critique sur leurs propres processus, l’offre de formation et les effets indésirables de la flexibilisation et de rationnaliser là où c’est possible (mener l’austérité).” Plus clairement : tirez votre plan avec moins de moyens.
Même message pour les associations et le secteur culturel. “Nous demandons des économies génériques de toutes les initiatives ou interventions financées par des moyens publics. Sur l’ensemble des domaines politiques, cela a un effet d’environ 190 millions d’euros en 2015.” Seul le fonds des villes et communes est quelque peu épargné. Mais les associations, subsides ou fonds des provinces devront se débrouiller avec moins. Le gouvernement veut, entre autres, épargner en investissant dans une infrastructure sportive supra-locale. Les associations doivent aussi tirer leur plan avec moins de moyens. « Nous accordons une attention particulière à la politique de volontariat flamande”, retrouve-t-on encore dans la déclaration de septembre.
Le tsunami d’austérité ne s’arrête pas. Nous payons déjà plus cher pour l’enseignement supérieur, le ticket de bus, la prime de soin et recevrons moins de services publics. Par-dessus le marché, les allocations familiales ne seront pas indexées – quel est encore le parti qui se profilait comme le parti de la famille ? Le tarif minimum pour l’accueil des enfants est relevé. Il y aura aussi une taxe supplémentaire sur l’eau à cause de la « révision de la contribution d’assainissement supra-communale pour l’épuration des eaux usées ». Même l’énergie pourrait coûter plus cher du fait que le gouvernement veut adapter les tarifs des gestionnaires du réseau de distribution. La petite quantité d’énergie et d’eau gratuite disparaît.
En essayant de quand même prendre une mesure sociale, la déclaration de septembre signale que pour 2025 , il y aura “42.000 habitations à loyer social et 6.000 habitations modestes” en plus. A un rythme peu impressionnant de 4.200 habitations par an et encore quelques incertitudes – les rénovations sont-elles comprises ? S’agit-il d’habitations construites par l’Etat ? – il s’agit clairement de ce qu’on appelle dans la province de Bourgeois “een scheet in een netzak”: du vent ! Pour la liste d’attente de plus de 100.000 personnes, cela n’apporte aucune solution. Au lieu d’éliminer la liste d’attente, le gouvernement espère éliminer les locataires d’habitations sociales. Des contrats temporaires doivent faire en sorte que les gens sortent plus vite d’une habitation sociale.
L’énumération des mesures nous laisse présager ce que nous pouvons attendre de ce gouvernement flamand. Les médias constataient que les réactions à cette déclaration politique divergeaient : vue comme positive du côté du VOKA et d’autres organisations patronales, elle est critiquée par l’opposition. Actuellement, la voix des employeurs prédomine en effet, tant en politique que dans les médias. L’opposition à cette politique ne pourra se limiter à des paroles et actions ludiques, cela n’impressionne pas Bourgeois.
Nous devrons organiser sérieusement notre lutte par la base en l’impliquant démocratiquement et en la liant à une alternative à l’agenda d’austérité. Dans ce cadre, nous devons lutter pour des réponses aux pénuries sociales sous forme d’un programme massif d’investissements publics dans les logements sociaux, dans des transports en commun décents et gratuits, pour plus de moyens pour l’enseignement, l’augmentation des allocations familiales, un accueil des enfants bon marché, …
Pour cela, nous devons aller chercher l’argent là où le gouvernement flamand ne le fait précisément pas : dans les poches des bourgeois. Cela nécessite une rupture avec le système actuel dans lequel l’appât du gain des grands employeurs, spéculateurs et actionnaires professionnels serait mis de côté au profit d’un contrôle démocratique et d’une nationalisation des secteurs-clés de l’économie.