‘‘Pourquoi et comment désobéir aux créanciers’’

Rencontres d’été 2014 du CADTM

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Banderole du CADTM portée à Liège le 10 septembre dernier lors d’une action anti-austérité tenue devant le siège local du MR.

Les 13 et 14 septembre derniers se tenaient à Namur les Rencontres d’été du CADTM (le Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers Monde) en présence d’environ 150 participants belges et internationaux. Les débats, menés dans une atmosphère conviviale et sérieuse, furent très riches et ont abordé un large éventail de thèmes liés à la dette : des interventions de la Troïka (Fonds Monétaire International, Banque Centrale Européenne, Commission Européenne) en Europe au rôle de la dette dans la contre-révolution en Tunisie, en Égypte et au Maroc en passant par la lutte contre l’arnaque du microcrédit.

Par Nicolas Croes

Un angle d’attaque intéressant

Le fil conducteur de l’événement était la question de la résistance à organiser contre le ‘‘système dette’’ et le capitalisme en général. Créé en 1990 à Liège, le CADTM avait initialement pour vocation de s’en prendre à la dette des pays du Sud, mais, depuis la crise de 2007-08, la dette du Nord constitue une part importante du travail de ses militants. Les similarités sont d’ailleurs nombreuses entre les politiques d’austérité appliquées aujourd’hui dans nos pays et les tristement célèbres Programmes d’ajustement structurel (P.A.S.) imposés au Sud par le FMI, entre autres.

C’est certain, l’angle d’attaque de la dette ne manque pas d’intérêt pour souligner l’absurdité du système capitaliste. Dans le cas de la Belgique, les autorités publiques ont payé pas moins de 479,5 milliards d’euros d’intérêts aux créanciers entre 1980 et 2011, pour une dette publique passée de 60 milliards d’euros en 1980 à plus de 400 milliards aujourd’hui. En moyenne, l’État belge a donc versé la somme de 15 milliards d’euros par an en remboursement des intérêts sur la dette ! Dans les faits, le remboursement de la dette publique (capital + intérêts) constitue l’une des principales dépenses publiques, à égalité avec les rémunérations de l’ensemble des fonctionnaires publics. On parle ici d’environ 20% du budget annuel de l’État… À titre de comparaison, le paiement des allocations de chômage revient à 3% du budget.

Comme le dénoncent très justement le CADTM et la plate-forme ACiDe (Audit Citoyen de la Dette en Belgique), la part des dépenses publiques dans le Produit Intérieur Brut (PIB) est pourtant restée relativement stable depuis les années ’80 (autour des 42%). L’explosion de l’endettement est essentiellement due au manque de recettes publiques – suite aux privatisations et aux généreux cadeaux fiscaux accordés aux grandes entreprises ainsi qu’à la partie la plus riche de la population – , aux taux usuriers payés sur les marchés financiers depuis 1980 et aussi aux sauvetages bancaires de 2008 et 2011. Ces derniers ont permis à de colossales dettes privées de devenir des dettes supportées par la collectivité  : environ 35 milliards d’euros, et ce n’est certainement pas fini.

Un des éléments particulièrement intéressants de ces rencontres, comme de l’activité du CADTM en général au sens large, est l’aspect internationaliste, très fortement présent notamment grâce à la présence de militants du Maroc, du Bénin, d’Espagne, du Portugal, de Grèce, d’Europe de l’Est, etc. Toutefois, les témoignages ont, à notre avis, trop souvent tendance à se résumer à la dénonciation et à conter une succession d’événements sociaux, sans réelle explication sur la manière dont ces luttes sont organisées, ni sans trop s’attarder (voire même pas du tout) sur les forces et faiblesses à analyser afin de renforcer le combat social en Belgique comme ailleurs.

Quelle alternative et quel programme ?

Si l’angle d’attaque de la dette est fortement développé – le travail de recherche, de synthèse et de vulgarisation du CADTM est à ce titre souvent impressionnant – le flou règne parfois concernant ce qu’est exactement le système capitaliste. De là découle pourtant le type de programme et de méthodes dont nous avons besoin pour ‘‘parvenir à l’établissement de modèles de développement socialement justes et écologiquement durables.’’ Certains discours peuvent, en effet, laisser croire qu’il est possible d’aménager le système capitaliste en mettant l’accent sur, par exemple, le nombre de politiciens issus du monde de la finance ou encore sur le ‘‘coup d’État oligarchique des banquiers’’.

Cette illusion peut du reste être renforcée par certaines solutions prônées par le CADTM. Pour le PSL, la revendication du non-paiement de la dette publique doit être couplée au combat pour la nationalisation sous contrôle et gestion démocratiques du secteur financier et des secteurs-clés de l’économie comme l’énergie, dans le cadre d’une économie démocratiquement planifiée. Ce débat n’est pas abstrait, car l’objectif final conditionne l’orientation à donner aux combats d’aujourd’hui, notamment quant à la place centrale que doit occuper le mouvement organisé des travailleurs (avec ou sans emploi) et la lutte pour un véritable syndicalisme de combat.

Or, si l’on trouve dans les textes les plus récents du CADTM des références à l’expropriation des banques et à leur socialisation, la question des autres secteurs clés de l’économie est moins souvent abordée. Divers articles mettent beaucoup plus fortement l’accent sur des mesures qui ne soulignent pas la nécessité de renverser le capitalisme telles que ‘‘l’établissement d’un impôt mondial exceptionnel sur les grosses fortunes’’, la ‘‘réforme radicale ou le remplacement du FMI, de la Banque mondiale, ainsi que de l’Organisation mondiale du Commerce’’, etc.

La proposition d’audit citoyen portée par le CADTM est un autre thème de discussion. Le cœur de l’effort vise à sensibiliser autour de la réalité de la dette, ce qui est nécessaire, mais sans pour autant donner de perspectives de lutte et d’actions concrètes, ce qui peut conduire à une certaine frustration et à la démoralisation.

Le grand mérite de l’organisation de ces rencontres reste cependant de laisser un large espace au débat politique. Si des opinions parfois très contradictoires ont pu être confrontées, ce fut toujours dans un esprit de respect des spécificités de chacun et avec la farouche volonté de s’impliquer dans la lutte contre le système dominant actuel.

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