Ecosse : 1.6 million de votes pour le ‘‘Oui’’ sur fond de révolte anti-austérité

Dans le contexte d’une féroce campagne menée par l’establishment capitaliste britannique, la campagne pour l’indépendance de l’Ecosse a reçu le soutien de plus de 1,6 million de personnes – avec une écrasante majorité de la classe ouvrière – soit 45% des votes exprimés. Le ‘‘Non’’ l’a finalement emporté avec 55%. Selon l’institut de sondage YouGov, le soutien à l’indépendance s’élevait à 24% en janvier 2014, ce qui signifie qu’il a augmenté de 21% en neuf mois à peine, à mesure que des centaines de milliers de travailleurs rejoignaient le camp du ‘‘Oui’’ à la recherche d’un changement fondamental anti-austérité.

Par Philip Stott, Socialist Party Scotland (CIO-Ecosse)

Les 10 jours précédant la tenue de ce référendum, la menace d’une victoire du ‘‘Oui’’ était bien réelle, et l’establishment capitaliste a tremblé jusque dans ses fondements. Malgré tout, la combinaison de promesses paniquées pour une plus grande décentralisation des pouvoirs et le déchaînement de la campagne pro- »Non » soutenue par les grandes entreprises, les médias capitalistes et les partis conservateur, travailliste et libéral-démocrate pour sauvegarder leurs intérêts de classe a permis au camp du  »Non » d’obtenir une majorité.

Mais le fait que tellement de jeunes et de travailleurs aient refusé de se laisser intimider et ont voté ‘‘Oui’’ reflète le désir qui existait parmi les victimes de l’austérité d’utiliser ce référendum comme une arme pour riposter contre l’establishment politique capitaliste.

La charge d’intimidation destinée aux partisans du ‘‘Oui’’ et orchestrée par le parti travailliste et la presse patronal fut grotesque. Le ‘‘Projet de la Peur’’ (Project Fear, surnom de la campagne pour le ‘‘Non’’) était une réelle campagne d’intimidation qui a accompagné l’austérité sauvage qui, tous les jours, détruit plus encore le quotidien de la classe des travailleurs et des collectivités locales. L’héritage immédiat de cette intervention brutale de la part de la classe capitaliste est une radicalisation de la classe ouvrière écossaise. Cette dernière a pu voir jusqu’où l’élite capitaliste est prête à aller pour défendre ses intérêts.

Le sentiment présent de façon écrasante parmi les partisans du ‘‘Oui’’ est naturellement la déception, mais aussi la compréhension que la lutte contre l’austérité et pour un nouvel avenir politique pour l’Ecosse doit poursuivre sa voie. L’élan qui a été donné par ce référendum doit maintenant être maintenu et intensifié. Nombreux sont ceux parmi les travailleurs en colère énergisés par cette campagne qui peuvent être gagnés aux idées du socialisme et à celle de la nécessité de la construction d’un nouveau parti de masse de la classe ouvrière en Écosse. Il est crucial que les défenseurs des idées du socialisme et les syndicalistes tournent leur attention vers la création d’une nouvelle force politique de la classe ouvrière.

Un texte envoyé par un jeune de 22 ans d’East Kilbride au Socialist Party Scotland juste après le résultat du référendum expliquait notamment : ‘‘Je suis déçu du résultat, mais cela m’a aidé à avoir les idées plus claires. Je vous écrit pour demander à rejoindre votre parti. Je suis à 100% derrière le Socialist Party.’’

Une grande participation

3,6 millions de personnes ont participé au référendum, soit un taux de participation de 85%, qui a battu tous les records. Le taux de participation dans les quartiers ouvriers est sans précédent. Dans les logements sociaux d’Ecosse, il atteint les 70% et même plus. Il faut comparer à cela le taux de participation aux élections municipales qui est de 25 ou 30%. Des centaines de milliers de travailleurs ont voté ‘‘Oui’’, en considérant ce vote comme une échappatoire à l’austérité brutale et comme une expression de leur opposition à l’élite politique capitaliste. Les bastions ouvriers, dont les plus grandes villes d’Ecosse (Glasgow, Dundee, North Lanarkshire et West Dunbartonshire), ont voté ‘‘Oui’’. Les communautés ouvrières dans les villes et villages à travers le pays ont aussi connu une majorité de ‘‘Oui’’. Mais certains travailleurs ont également voté ‘‘Non’’, beaucoup à contrecœur, face au tsunami de menaces et de chantage lancé par les grandes entreprises et les médias, qui affirmaient que les entreprises iraient s’installer en Angleterre et que les travailleurs seraient perdants avec l’indépendance.

Les médias ont été massivement hostiles à l’indépendance. Un seul journal écossais, l’édition dominicale du Herald, a soutenu le ‘‘Oui’’. La BBC a provoqué l’indignation et a clairement été considérée comme une arme aux mains des grandes entreprises. L’échec des dirigeants du SNP (Scottish National Party) pour répondre aux attaques, leur manière de souligner leur volonté de réduire les taxes pour les grandes entreprises et leurs déclarations quant à la recherche d’une union monétaire qui aurait piégé l’Ecosse indépendante dans l’austérité ont laissé toute la propagande du ‘‘Projet de la Peur’’ largement sans réponse.

Le manque de confiance de la direction SNP pour une Ecosse indépendante a constitué un autre facteur clé dans le résultat. Toutes ses propositions reposaient sur la continuation du capitalisme et pas sur la fin de l’austérité. Le manque de confiance d’Alex Salmond et du SNP a continuellement été mis en lumière au cours de la campagne. Un sondage a dévoilé que la plupart des gens estimaient que leur situation économique serait pire sous une Ecosse indépendante dirigée par le SNP.

Construire un nouveau parti

Si un parti de masse des travailleurs avait existé, il aurait pu mobiliser beaucoup plus de soutien pour un ‘‘Oui’’ basé sur une claire politique anti-austérité, pour la propriété publique des grands moyens de production, pour l’instauration d’un salaire décent pour tous, etc. Cela aurait signifié de défendre une Ecosse socialiste au service de la population et pas des millionnaires.

La participation et l’enthousiasme qui ont accompagné la tournée de Tommy Sheridan et la campagne  »L’Espoir contre la peur’’, dans laquelle le Socialist Party Scotland a joué un rôle de premier plan, a souligné ce potentiel. Il est urgent d’œuvrer dès à présent à la construction d’un nouveau parti de masse des travailleurs afin d’offrir une expression politique à la classe ouvrière. Tout retard fait craindre le danger que des occasions soient perdues au bénéfice du SNP, un parti pro-capitaliste. Même le parti travailliste, en dépit de ses nombreuses trahisons, pourrait gagner un certain soutien électoral à court terme aux prochaines élections pour le parlement de Westminster, à Londres, l’an prochain, alors que sera posée la question de la fin du gouvernement conservateur.

L’exemple de l’Espagne et de la percée de Podemos aux dernières élections européennes, une initiative sortie de nulle part et ayant réussi à gagner des millions de votes, illustre ce qui est possible à réaliser. L’autorité construite à travers la tournée ‘‘L’Espoir contre la peur’’ signifie que Tommy Sheridan – aux côtés de militants véritablement socialistes, de syndicalistes du RMT (syndicat des transports) et d’autres – pourrait aider à lancer un nouveau parti qui pourrait rapidement se construire.

Tout comme le Socialist Party Scotland l’avait prévu, ce référendum a été utilisé comme une arme par un très grand nombre de travailleurs afin de protester contre l’élite politique et contre l’austérité. Le caractère de classe de ce vote était très marqué.

Les zones les plus riches de la classe moyenne et les zones rurales ont clairement voté pour le ‘‘Non’’, tout comme une majorité des plus de 55 ans. Le taux de participation a été élevé à travers l’Ecosse, mais ses plus hauts résultats ont été vus dans la classe moyenne et dans les zones rurales, fortement mobilisées pour tenter d’assurer la défaite du ‘‘Oui’’. Ce fut même le cas dans des zones où le SNP a ses bases traditionnelles de soutien.

Une victoire médiocre

Le résultat du référendum est finalement une victoire bien fade pour la classe capitaliste et l’élite politique. Il marque le début d’une situation nouvelle et instable pour le capitalisme britannique. Concéder plus de pouvoirs à l’Écosse est désormais chose incontournable. Des exigences similaires vont se développer pour le Pays de Galles et l’Irlande du Nord, tout comme la volonté des formes de décentralisation en Angleterre.

Le Premier ministre conservateur David Cameron a déclaré quelques heures après le résultat qu’un nouvel accord constitutionnel devait arriver avec ‘‘des députés anglais se prononçant sur des lois anglaises.’’ Comme on a pu l’entendre à la BBC : ‘‘Ce qui a commencé comme un vote sur une Écosse indépendante ou non s’est terminé par une extraordinaire révolution constitutionnelle annoncée aux portes de Downing Street par le Premier ministre.’’

Mais la question de l’indépendance de l’Ecosse n’est pas ‘‘réglée pour une génération’’ comme l’a pourtant déclaré David Cameron. Un autre référendum sera réclamé. Particulièrement après les élections de 2015, tous les principaux partis, y compris le parti travailliste, poursuivrons l’application de l’austérité.

Le parti travailliste a perdu la classe ouvrière

Plus important encore, ce référendum a exposé l’érosion du soutien pour les principaux partis pro-capitalistes, et en particulier le parti travailliste écossais. Les conservateurs et les libéraux-démocrates sont presque une espèce disparue en Ecosse. La base électorale travailliste parmi la classe ouvrière a été ébranlée par l’activité du parti en tant que principal soutien pour le ‘‘Projet de la Peur’’ et de par sa collaboration avec les conservateurs. Comme un travailleur des soins de santé nous l’a dit ; ‘‘Les travaillistes ont sauvé l’Union, mais ils ont perdu la classe ouvrière.’’ Le dirigeant du Parti travailliste en Ecosse, Johann Lamont, a décrit ce vote comme une ‘‘victoire’’. Mais l’ancienne base ouvrière des travaillistes a été décimée et elle ne leur pardonnera pas le rôle qu’ils ont joué.

Les étroites limites de la direction du SNP ont été exposées au grand jour. Le potentiel pour un nouveau parti de masse des travailleurs en Ecosse a énormément grandit au cours de cette campagne. Des mesures urgentes et concrètes doivent être prises pour capitaliser sur ce point dans les semaines à venir. Il y aura à la fois déception et colère parmi la classe ouvrière à l’issue de ce résultat. Des manifestations sont susceptibles d’avoir lieu dans les prochains jours.

Le sentiment qu’il faut s’en prendre aux médias, aux grandes entreprises et à l’establishment politique augmentera ne fera que croître. Il n’existe aucune chance que l’énorme radicalisation qui a pris place au cours de ce référendum soit dissipée. Il faut construire sur cette base.

sp-300x161Le Socialist Party Scotland déclare :

• Pas un penny de plus pour que l’austérité de Westminster soit instaurée en Écosse par un gouvernement SNP ou travailliste ou encore dans les conseils municipaux SNP. Nous voulons des budgets qui défendent l’emploi et les services publics.
• Construisons un mouvement de masse de grèves, de manifestations et d’actions de protestation de masse contre l’austérité. Les syndicats doivent lancer une grève coordonnée à travers l’Écosse et la Grande-Bretagne.
• Pour un nouveau parti de masse des travailleurs pour offrir une alternative combative au 1.6 million de personnes qui ont défié le Projet Peur.
• Rejoignez le Socialist Party Scotland et luttez pour le socialisme !

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