Ecosse : Un référendum sur le fil du rasoir

« Expulsons les conservateurs »

Au cours des quinze derniers jours de la campagne pour le référendum sur l’indépendance de l’Écosse, qui se tiendra le 18 septembre prochain, les sondages se resserrent et le soutien à l’indépendance a obtenu son plus haut niveau. Un sondage YouGov datant du 1er septembre illustre qu’à l’exclusion des électeurs indécis, le soutien à l’indépendance a gagné 8 points en mois, pour atteindre les 47%. Les partisans du ‘‘Non’’ n’ont dorénavant plus que 6 points d’avance et se trouvent à 53% alors qu’ils disposaient encore d’une avance confortable de 14 points à la mi-août.

Par Matt Dobson, Socialist Party Scotland (CIO-Écosse)

Le soutien au ‘‘Oui’’ est maintenant synonyme de crise majeure pour la majorité de l’élite capitaliste britannique. Le Premier ministre britannique David Cameron parle ainsi ouvertement de ses ‘‘préoccupations’’ et de sa ‘‘nervosité’’ face à l’idée de l’indépendance de l’Écosse. La campagne ‘‘Better Together’’ pour le ‘‘Non’’, qui réunit les conservateurs du parti Tory, les travaillistes et les Libéraux-Démocrates est en plein surmenage. Tout un spectre de personnalités allant de responsables des milieux patronaux aux célébrités en passant par les élites universitaires d’Écosse constitue un chœur de plus en plus strident ne cessant de prévenir des conséquences désastreuses de l’indépendance.

Le dirigeant travailliste Ed Miliband a annoncé qu’il sera en déplacement en Écosse jusqu’à la fin du référendum. Il ne veut pas à l’avenir devenir Premier ministre d’un Royaume-Uni amputé de l’Écosse, a-t-il affirmé. Le soutien des travaillistes à la campagne pour le ‘‘non’’ à l’indépendance et pour le Project Fear (Projet Peur, surnom de la campagne ‘‘Better Together’’) est en train de faire de sérieux dégâts à ce qui restait encore de la réputation de ce parti au sein de la classe des travailleurs. Le niveau auquel a été élevé le chantage au cours de cette campagne est véritablement sans précédent, mais le Project Fear ne parvient malgré tout pas à enrayer la marée croissante de soutien pour le ‘‘Oui’’.

Les craintes de Cameron et Miliband sont justifiées. Le soutien pour l’indépendance est extrêmement visible à travers les villes et villages du pays à l’aide d’autocollants, de stands de rue, d’affiches et de banderoles officielles ou faites-main. C’est ainsi que s’exprime la volonté d’un changement social et économique fondamental pour des millions de travailleurs et de jeunes.

Le récent sondage YouGov a mis en lumière que la croissance du soutien au ‘‘oui’’ a été plus forte parmi la classe ouvrière. Diverses régions populaires d’Écosse, dont Dundee et Glasgow, pourraient disposer d’une majorité de ‘‘Oui’’. Ce vote représente une opposition à l’austérité sans fin de la période écoulée, une occasion de développer la contestation face aux inégalités et aux coupes budgétaires que les principaux partis politiques ne sont pas prêts à remettre en cause.

Le journaliste Paul Mason a récemment expliqué dans un article du Guardian que ‘‘Quelque chose d’incroyable se passe en Écosse. Lorsque l’enthousiasme politique atteint le monde relativement apolitique des HLM, des pubs et des discothèques et que cela énergise les gens, la participation peut faire des choses étranges sur les sondages d’opinion (…) Ils ont entendu tous les avertissements macro-économiques désastreux – sur la livre sterling, sur les banques, sur la dette, sur la non-fiabilité de l’argent du pétrole. Mais face à l’opportunité de rompre clairement avec la politique de Londres et l’économie néolibérale, beaucoup d’entre eux sont prêts à assumer ces risques (…) Si cela prend passe, c’est que beaucoup de choses sont à pointer du doigt, mais il est d’ores et déjà très clair de constater où réside le plus grand problème : il est devenu impossible d’exprimer son opposition à l’économie de marché via les principaux partis du parlement de Westminster à Londres’’.

Paul Mason a toutefois tort lorsqu’il décrit les quartiers à HLM comme étant ‘‘relativement apolitique’’. La majorité de la population est complètement détachée de l’establishment politique capitaliste, mais la colère est intense contre les coupes budgétaires et la chute du niveau de vie.

De plus en plus de gens font activement campagne pour le ‘‘Oui’’ et se rendent en masse aux réunions publiques, ce qui contraste de façon éclatante avec les récentes élections qui ont connu un taux de participation très bas et peu d’enthousiasme face aux politiciens traditionnels. Cela exprime l’espoir de voir le ‘‘Oui’’ devenir une possibilité des plus réalistes et constituer la chance, pour la première fois dans la vie de très nombreuses personnes, de voir être positivement modifiées les conditions de vie des travailleurs et des jeunes. Cette excitation et ces attentes se sont développées en dépit des tentatives de la direction du Scottish National Party et de la direction de la campagne officielle pour le ‘‘Oui’’ visant à ne pas susciter d’espoirs trop élevés concernant ce que l’indépendance peut offrir sur une base capitaliste.

Le résultat du référendum est actuellement difficile à prédire. La tension s’est accrue dans les rues et les militants du ‘‘Non’’ prétendent être intimidés par ceux du ‘‘Oui’’. Le dirigeant de droite du parti travailliste Jim Murphy s’est ainsi vu attaquer dans sa tournée « Non Merci » dans divers centre-villes par des passants devenus perturbateurs. Ils s’est retrouvé à devoir essuyer des tirs d’œufs tandis que des gens dénonçaient en criant la participation des travaillistes aux politiques d’austérité.

Mais il existe des éléments de la campagne pour le ‘‘Non’’ qui visent à exacerber les divisions racistes et les tensions sectaires. Nigel Farage, par exemple, le dirigeant du parti populiste de droite Ukip, est arrivé en Écosse pour ‘‘sauver l’Union’’ tandis que l’Ordre d’Orange (des extrémistes nationalistes protestants) organise une manifestation nationale contre l’indépendance à Édimbourg lors de la dernière semaine de campagne.

Le facteur majeur qui explique pourquoi le ‘‘Non’’ a encore une avance, ce sont les doutes légitimes quant à savoir ce qu’une Écosse indépendante capitaliste aura à offrir à la majorité sociale. Les promesses du SNP se limitent à des réductions d’impôts pour les grandes entreprises et à la poursuite de la politique d’austérité. Ce sont autant d’obstacles majeurs pour le ‘‘Oui’’.

Les meetings avec Tommy Sheridan et nos camarades du Socialist Party Scotland « Socialist Case For Independence » ont pu compter sur une large audience. Ci-dessus, meeting de Dundee, en présence de 500 participants.

En revanche, la tournée ‘‘Hope Over Fear – Socialist Campaign for Independence’’ (l’Espoir sur la peur – Campagne socialiste pour l’indépendance), avec le militant socialiste bien connu Tommy Sheridan et à laquelle participe le Socialist Party Scotland, bénéficie d’une audience de plus en plus grande. Cela illustre le potentiel que représente la défense des idées du socialisme et leur concrétisation politique comme que l’utilisation de l’indépendance pour en finir avec l’austérité et la mise sous propriété publique des richesses pétrolières et gazières de même que le système bancaire peut bénéficier d’une audience de masse et développer le soutien en faveur du ‘‘Oui’’.

Le Socialist Party Scotland, tout en soutenant énergiquement le ‘‘Oui’’ a clairement expliqué la nécessité d’utiliser les forces de l’indépendance pour mettre fin aux mesures d’austérité et pour placer sous propriété publique et sous contrôle démocratique les principaux secteurs de l’économie. Ce n’est qu’ainsi, par une politique socialiste, par la réalisation d’une Écosse socialiste indépendante dans le cadre de la construction d’une confédération socialiste volontaire plus large, que la classe ouvrière pourra voir ses conditions de vie fondamentalement améliorées. A cette fin et pour défendre leurs intérêts, les travailleurs et les jeunes ont besoin d’un nouveau parti de masse de leur classe.

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Première page de Lutte Socialiste