Doosan Infracore : Avidité patronale et nouveau bain de sang social

C’est une énorme claque que les travailleurs de l’usine Doosan à Frameries ont reçu ce lundi 1er septembre. Du jour au lendemain, la direction patronale annonçait l’arrêt de la production de machines excavatrices sur le site, et donc la suppression de 313 à 330 emplois. Elle ne compte en fait garder que 20 à 25 travailleurs pour continuer à vendre le matériel importé de la production en Corée du Sud, où se trouve la maison-mère.

Par Stéphane Delcros

313 emplois supprimés, mais en réalité, bien plus. Dès l’annonce du plan de restructuration, il a été signifié aux sous-traitants d’arrêter leurs livraisons de pièces, mettant ainsi en péril l’emploi de centaines de travailleurs supplémentaires. Et si l’on prend en compte les familles de l’ensemble de ces travailleurs, le nombre de personnes touchées par cette restructuration commence à donner le tournis. Surtout au vu de l’arrogance et des trahisons patronales dans cette affaire :

– Mensonges

Suite à son annonce, la direction patronale s’est empressée de répandre des explications via les médias de masse, qui se sont bien sûr eux-mêmes empressés de les relayer, avec peu de nuance et sans enquête. Elle annonce ainsi que l’entreprise de Frameries est en perte continuelle depuis 2008, et chiffre cette perte à 70 millions d’euros depuis 2010. D’après les travailleurs, il ne s’agit en réalité que de mensonges, destinés à mieux faire passer la pilule. Ils entendent depuis des années que l’entreprise de Frameries est en bénéfices. Dans un article (1), le PTB parle de 8,6 millions en 2012 et 4,8 millions en 2013. Une tendance qui semble être confirmée par la direction européenne du groupe par un communiqué du 16 juillet dernier.

– Vols à la communauté

Ce même article souligne aussi les montants ridicules d’impôts payés par Doosan, avec des taux d’imposition de 1,03% et 2,14% en 2012 et 2013, ainsi que l’économie sur le dos des travailleurs que la direction a pu faire via le chômage économique ces derniers mois, dû au transfert des marchés du Moyen-Orient et de l’Afrique vers la maison-mère. Si l’on rajoute à tout cela les 730.000 euros en deux ans de subsides publics reçus par l’entreprise, les actionnaires de Doosan auraient empochés pas moins de 9,5 millions d’euros sur le dos des travailleurs et de la communauté.

– Manœuvres

Depuis l’annonce du plan, le patronat a plusieurs fois mis en avant les ‘vols’ et le ‘vandalisme’ dans les ateliers de la part des travailleurs. Le ‘vandalisme’ porterait sur un peu de matériel de bureau. En termes de ‘vols’, ce que nous avons surtout remarqué, c’est le fait que la direction patronale, quelques jours avant l’annonce de ce lundi, avait commencé à déplacer plus de 200 véhicules de construction vers d’autres sites, n’en laissant qu’une grosse dizaine à Frameries. La direction s’attendait très probablement à ce que la grosse pilule ne passe pas, et prévoyait une future occupation de l’outil – bien légitime d’ailleurs – par les travailleurs.

De plus, pour mieux berner les travailleurs, les patrons avaient récemment fait imprimer de nouveaux t-shirts pour tout le monde, et avait sorti l’entreprise du chômage économique qui avaient été mis en place quelques mois auparavant. Un service complet avait ainsi pu récemment reprendre, offrant de bonnes perspectives de maintien du travail.

Les travailleurs ont directement réagis

Dès lundi, les travailleurs sont entrés en grève, ont occupé l’usine et demandé des comptes au patron venus leur présenter la nouvelle. Deux assemblées générales du personnel ont eu lieues en trois jours, afin de discuter collectivement de chaque nouvelle fraiche et de la stratégie à mener dans les prochains jours. Les travailleurs vont faire face à une longue période sous le signe de la procédure Renault pour licenciement collectif. Dans cette période, toute démonstration de solidarité de la population et de délégations d’autres entreprises de la région ou du secteur sera importante.

Il y a assez d’argent pour maintenir chaque emploi et chaque salaire

Une grève avec occupation d’usine est un outil important à utiliser par les travailleurs dans une confrontation avec la direction patronale. Nous pouvons bien comprendre des revendications comme le remboursement des subsides publics et des déductions fiscales dont ont bénéficiés les actionnaires. Le montant des aides publiques en tout genre, face au bain de sang social annoncé, est tout bonnement scandaleux. Mais se limiter à cela, c’est déjà accepter la perte d’emplois. Des actions et manifestations de soutien régionales et interprofessionnelles pourraient transformer cette lutte de purement défensive à offensive, et pourrait alors être accompagnée d’une lutte exigeant le maintien de chaque emploi et le retrait pur et simple du plan de restructuration et des licenciements. Il y a suffisamment d’argent pour maintenir l’entièreté de l’emploi et des salaires, y compris ceux des travailleurs sur CDD, même si le temps de travail doit être revu à la baisse pour faire face à d’éventuelles baisses de commandes.

Les partis politiques traditionnels sont en ce moment au chevet des travailleurs de Doosan, mais essentiellement pour tenter de trouver un accord négocié entre travailleurs et patrons. Les milliers de travailleurs d’ArcelorMittal se souviennent d’avoir aussi reçu ce genre de ‘soutien’. Les politiciens savent parfaitement que sauvegarder chaque emploi et le savoir-faire n’est possible qu’à travers une expropriation et une nationalisation de l’outil. Mais cela exigerait une confrontation avec leurs amis patronaux, un scénario pour lequel la volonté politique manque totalement à ces politiciens. Pourtant, une politique au service de tous ne peut être garantie qu’en plaçant les outils de production de pointe et les secteurs-clés de l’économie sous le contrôle et la gestion démocratique des travailleurs et de la communauté.

 

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