L’accord gouvernemental flamand : analyse

Que l’accord gouvernemental de la nouvelle coalition flamande N-VA, CD&V et Open-VLD soit remplis d’attaques, de mesures antisociales et de la continuation de la politique de démantèlement des acquis du mouvement des travailleurs, ce n’était une surprise pour personne. La déclaration de politique régionale flamande est une déclaration de guerre ouverte aux travailleurs, aux jeunes et aux allocataires sociaux. L’idée de base est d’accroître le processus de privatisations et d’austérité pour ainsi faire payer la facture de la crise à la majorité de la population.

Par Tim (Bruxelles)

Le gouvernement « Bourgeois I » n’a pas volé son nom… Dans l’accord, il prétend que tout le monde devra dorénavant faire de douloureux efforts. Il est toutefois certain que ce « tout le monde » ne comprend pas les entrepreneurs, les multinationales et les super-riches : l’accord est rempli de mesures destinées à « stimuler l’entrepreneuriat ». En clair: des attaques contre la classe des travailleurs pour favoriser patrons et actionnaires.

Le gouvernement flamand se prépare à pleinement utiliser ses compétences dans ce but, notamment celles reçues dans le cadre de la 6ième réforme d’Etat. Des coupes dans les systèmes de pause-carrière, d’abord : toute une série de possibilités dans ce domaine seront abolies, seules quelques options limitées resteront en place, comme la pause-carrière destinée à prendre soin d’un membre de sa famille fort malade. D’autres attaques sont également annoncées : l’approfondissement de la politique visant à diminuer les coûts salariaux avec de nouveaux cadeaux aux entreprises et l’utilisation des nouvelles compétences régionales dans le domaine du marché de l’emploi pour renforcer les contrôles et les sanctions contre les chômeurs. Le nouveau gouvernement compte même d’introduire un système de « service à la communauté » : les chômeurs seront obligés de travailler pour leur allocation, même dans le secteur privé. La responsabilité du chômage est intégralement mise sur le dos des chômeurs à titre individuel, et la responsabilité des entreprises qui délocalisent et licencient – la cause réelle du chômage structurel que nous connaissons – est passée sous silence.

Nos services publics en ligne de mire

Des cadeaux pour les patrons, l’austérité pour le reste de la société. Les services publiques sont particulièrement ciblés : le gouvernement Bourgeois prévoit une forte restructuration de l’administration flamande avec comme but essentiel la réduction du nombre de fonctionnaires et la privatisation des tâches qualifiée de « non-centrales » pour l’administration : l’entretien, l’ICT (information et communication), le nettoyage. La diminution des effectifs au cours de la dernière législature flamande – 2.160 postes de travail perdus, soit 7,5% de l’effectif – avait déjà causé de sérieux manques de personnel dans plusieurs services à la population. Le gouvernement a été incapable de garantir la qualité du service avec la diminution du nombre de fonctionnaires, mais il prévoit maintenant de continuer sur la même voie…

L’ancien gouvernement avait déjà fortement été critiqué pour sa politique de privatisation de certaines tâches administratives, notamment pour le transfert de l’accompagnement des chômeurs par le service publique VDAB (équivalent du FOREM ou d’Actiris) vers le privé, surtout après qu’une série d’études aient démontré l’inefficacité profonde de ces fameux partenaires privés. En plus, les 22 millions d’euros qui ont étés « sauvés » par la réduction du nombre de fonctionnaires à la VDAB ont été fortement dépassés par le surcout des consultants privés qui ont repris leurs tâches : cette dépense a augmenté de 23,9 millions d’euros vers 100,5 millions entre 2005 et 2012 ! Un exemple supplémentaire pour démontrer que toute cette idée selon laquelle le secteur privé est « plus efficace » n’est qu’un mythe… C’est pourtant très précisément ce mythe qui sert d’ossature à l’accord gouvernemental des nouvelles autorités flamandes.

Economiser en cadence

Malgré sa volonté profonde de passer des coupes budgétaires et des privatisations dans l’ensemble de l’administration flamande, le gouvernement hésite fortement à en prendre lui-même la responsabilité et préfère imposer toute une série d’économies aux entités subalternes, comme les communes, les provinces, les universités, certaines administrations,… La rhétorique est à chaque fois identique : l’entité reçoit plus d’autonomie, mais devient elle-même responsable de l’application de coupes budgétaires. Ainsi, les communes recevront plus d’autonomie pour diminuer des dépenses sociales, privatiser les intercommunales (notamment concernant la récolte des déchets et la distribution de l’eau et de l’énergie) et pour briser le statut des fonctionnaires communaux. La tactique du gouvernement est celle qu’Edmund Burke – le philosophe conservateur favori de Bart De Wever – décrivait déjà sous ces termes « En rongeant une digue, même un rat peut noyer une nation » : en ouvrant toute une série de petits fronts d’austérité, le gouvernement espère que l’inondation d’austérité arrivera partout, sans qu’elle ne doivent elle-même se mouiller…

Austérité dans l’enseignement, les services publics et le bien-être

Les attaques du gouvernement sont générales, aucun domaine n’y échappe. Dans le secteur du bien-être, aucun mot n’est dit sur les énormes listes d’attente dans les institutions pour invalides, personnes âgées et autres. Tout le chapitre sur ce domaine est dédié à la proposition de stimuler « l’entrepreneuriat social ». Avec ce terme flou, le gouvernement espère augmenter les possibilités d’entreprises comme Sodexo pour jouer un rôle dans le secteur de la santé, une dynamique déjà entamé par l’ancien gouvernement à travers « Flanders Care ».

Même chose dans les transports en commun : le gouvernement affirme « irréaliste » de poursuivre la politique de « mobilité de base » de De Lijn, et prétends que l’entreprise doit augmenter ses propres revenus (en augmentant les tarifs), arrêter sa politique de «gratuité et quasi-gratuité » (fin des abonnements gratuits et bon marchés pour les séniors ou les jeunes) et réduire l’offre dans les régions les moins peuplées de Flandre.

L’enseignement reçoit aussi une belle claque : 800 millions d’euros d’économies sont annoncés, dont la moitié pour l’enseignement supérieur. Les mêmes crédos valent aussi dans ce domaine : augmenter les privatisations (par les partenariats publics-privés, notamment dans la construction de nouvelles écoles) et le nivellement vers le bas de l’allocation de base par élève dans l’enseignement libre et communautaire (une idée piquée à l’ancienne coalition Olivier de la communauté française). Pour le supérieur, le gouvernement prévoit une forte économie et donne aux universités et hautes écoles « toutes les possibilités » de décider elles-mêmes de la manière d’y faire face. Une des pistes est la libéralisation des minervals : les institutions pourront désormais choisir librement les droits d’inscriptions appliqués. Les chiffres actuellement cités impliqueraient un quasi-triplement des minervals, qui passeraient de 600 euros à 1.500 voire 1.800 euros par an ! La poursuite et l’accentuation de la « rationalisation de l’offre » dans l’enseignement supérieur est une autre piste proposée par les autorités flamandes : réduire le nombre de formations offertes par les institutions. Finalement, les moyens pour la recherche fondamentale seront fortement réduits en faveur des subsides scientifiques aux entreprises.

Quelle alternative?

Le gouvernement Bourgeois I est un gouvernement de provocation et d’attaques brutales contre le mouvement des travailleurs. Son objectif est de garantir les privilèges d’une minorité par l’appauvrissement de la collectivité.

Le gouvernement prétend que sa politique est ‘‘inévitable’’, et il pourrait bien parvenir à faire passer cette illusion parmi des couches plus larges de la population. Un front de résistance contre l’austérité est indispensable : chaque attaque doit recevoir une réponse à sa mesure avec une résistance de masse qui pointe le doigt sur les énormes richesses qui existent dans la société mais auxquelles le gouvernement ne veut pas toucher pour offrir une alternative à la politique d’austérité. Sans riposte, le gouvernement continuera tout simplement sur son chemin antisocial. Les exemples de Grèce, d’Irlande ou encore d’Espagne nous ont déjà montré jusqu’où la bourgeoisie est prête à aller.
Un front de résistance contre l’austérité pourrait fournir au mouvement des travailleurs un outil qui assurerait que les mouvements de luttes ne soient plus isolés et que des discussions soient menées concernant le programme, la stratégie et les tactiques nécessaires pour renforcer notre lutte jusqu’à la victoire.

Dans tout le pays, les militants du Parti Socialiste de Lutte / Linkse Socialistische Partij (PSL/LSP) joueront leur rôle en aidant à organiser cette résistance et à construire ce front. Ils interviendront en défendant la nécessité d’un programme de rupture anticapitaliste et socialiste, seul à même, selon nous, à donner une alternative à ce système capitaliste qui sème austérité et misère. Les richesses doivent être démocratiquement gérées par toute la collectivité.

Le gouvernement Bourgeois peut bien se préparer pour la guerre de classe, nos militants – et d’autres – seront prêts à y répondre !

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