Rapport de la discussion sur les perspectives mondiales, école d’été 2014 du Comité pour une Internationale Ouvrière. Rapport de Peter Delsing
Une large discussion concernant les processus de révolution et de contre-révolution au niveau mondial a pris place lors de l’édition 2014 de l’école d’été du CIO. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, le mouvement de masse des travailleurs et des jeunes a connu des défaites faute d’une direction ouvrière. D’anciennes dictatures ont de ce fait pu se remettre en selle. En Amérique latine, les illusions envers le populisme de gauche s’épuisent au Venezuela, en Bolivie et dans une certaine mesure, envers le PT au Brésil. La colère des masses n’en est pas moindre. Même la Coupe du Monde n’y a pas échappé. Chaque fois que Dilma – la présidente du Brésil – était à l’écran, les sifflets fusaient parmi les Brésiliens présents dans le stade.
En Asie, le moteur économique chinois perd en puissance, ce qui a des effets sur la région mais peut aussi toucher le reste du monde. L’uppercut du nationalisme et du militarisme en Chine et dans les régimes alliés des USA menace les anciens équilibres. Les échecs en Irak, Syrie, Libye,… illustrent les importants problèmes de l’impérialisme ainsi que son impuissance. La crise en Ukraine reflète à son tour l’accentuation des tensions entre puissances impérialistes. Dans une phase de stagnation économique ou de crise, la lutte pour les sphères d’influence et la sauvegarde des marchés s’intensifie.
Du fait du manque de partis de masse proposant un programme révolutionnaire de gauche, des pans de la société peuvent glisser dans la barbarie. C’est ce que l’on constate avec la crise et la guerre à Gaza, la guerre en Ukraine, la nouvelle dictature en Egypte, la guerre civile en Libye et en Syrie, la montée de groupes fondamentalistes islamiques tel que l’’EIIL en Irak,… La situation en Irak confirme hélas les perspectives que le Comité pour une Internationale Ouvrière a déjà avancées : une intervention impérialiste ne pouvait conduire qu’à l’arrivée de deux ou trois nouveaux Saddam dans la région et servirait de terreau au fondamentalisme islamique.
Mais il y a aussi eu des victoires pour les masses et les socialistes : au Brésil, les manifestations de masse ont annulé les hausses de prix de transport. En Afrique du Sud, les conséquences de la lutte des mineurs ont relancé plus largement la lutte des classes, au point qu’un grand syndicat comme Numsa a rompu avec l’ANC et réclame la construction d’un nouveau parti des travailleurs. A Seattle, aux Etats-Unis, une révolutionnaire socialiste, Kshama Sawant, membre de notre organisation-sœur Socialist Alternative a été élue au conseil municipal. C’est une première depuis un siècle. Sous l’impulsion de cette percée, le salaire minimum le plus élevé des Etats-Unis a été introduit. Cette victoire va sortir 100.000 travailleurs de la pauvreté au cours des prochaines années. La campagne « 15 Now » peut servir d’exemple pour d’autres mouvements de lutte aux Etats-Unis et constitue déjà une source importante de renforcement du marxisme dans le bastion du capitalisme mondial. Ce mouvement de lutte pour un réel salaire minimum donne tort aux cyniques. Des changements et réformes sociales positives sont possibles. Mais seulement – vu l’état de déclin du capitalisme – sur base d’une stratégie révolutionnaire et par une mobilisation de masse ainsi qu’une pression massive sur la classe dirigeante et ses relais politiques.
Economie capitaliste : le “calme avant la tempête”
Sur le plan économique, les capitalistes ne savent pas où ils sont ni où ils vont. La croissance que le monde a connue après la crise de 2007-2008 était basée sur des dettes. Aujourd’hui, au niveau mondial, les dettes sont 30% plus élevées qu’avant la crise, constatait notre camarade Per-Ake de Suède au cours de la discussion. Selon un rapport de la Bank of International Settlements (BIS), les Bourses sont aujourd’hui déconnectées de la réalité et nous vivons le “calme avant la tempête”.
Il est rare que la classe capitaliste essaie encore de se projeter dans l’avenir de son système. Dans un récent rapport de l’OCDE – le club des pays les plus riches – c’était cependant le cas. Selon ce rapport, la croissance économique ne s’élèvera, au cours des 45 prochaines années, qu’aux deux tiers de la croissance de la période écoulée. Toujours selon l’OCDE, le nombre de chômeurs dans les pays développés est déjà passé, depuis la crise de 2008, de 32 à 38 millions. Ils ont estimé qu’au cours des 45 prochaines années, 50 millions de réfugiés partiront vers l’Europe et les Etats-Unis à la recherche d’un avenir meilleur. En ce qui concerne le climat et le réchauffement de la terre, le rapport stipule qu’au cours de cette même période, nous devons nous attendre à ce que les émissions de gaz carbonique doublent. Reconnaissant sa propre faillite sociale, nous devons, selon l’OCDE, nous imaginer l’idée de Detroit – la ville américaine en faillite et socialement écroulée – mais, d’ici quelques décennies, dans des villes comme Paris ou Stockholm. Les diseurs de bonne aventure du capitalisme auraient tout aussi bien pu se référer à l’Athènes actuelle.
Mais tant la BIS que l’OCDE continuent à prôner les anciennes recettes. Ils s’accrochent au capitalisme et à une politique d’austérité, ce qui ne peut mener qu’à une crise encore plus profonde. Cependant, les couches les plus prévoyantes de la bourgeoisie sont conscientes que cela ne peut continuer ainsi. Avec, par exemple, une inégalité de revenus qui mine la stabilité du système et attise la colère contre l’arrogance des super riches. Ou comme un milliardaire de Seattle l’exprimait à juste titre : “Si ça continue comme ça, les classes moyennes disparaîtront et nous nous retrouverons comme en France à la fin du 18ème siècle. Nous pouvons à nouveau nous attendre à des fourches devant la porte”.
La classe capitaliste se retrouve face à une remise en question complète de sa légitimité et de ses institutions. Aux Etats-Unis, cela s’exprime de façon particulièrement aigüe, un autre milliardaire qui investit des millions de dollars depuis de longues années déjà en faveur de candidats politiques déclarait dans le Financial Times qu’il essaie de trouver un candidat républicain qui « ne soit pas complètement fou » – « une tâche plus difficile qu’il n’y paraît » d’après le Financial Times. Même les illusions envers Obama se sont en grande partie envolées. Obama a expulsé plus de réfugiés que jamais et, en tant que représentant du Big Business, a réussi à n’apporter aucun changement réel.
Les capitalistes enregistrent à nouveau de beaux bénéfices mais ils les accumulent ou spéculent à la Bourse. Selon Larry Summers, conseiller de l’establishment américain, il y a “des possibilités d’investissements insuffisantes pour miser les moyens économisés”, ce qui pourrait définir une sur-accumulation capitaliste. Dans la zone euro, il y a une faible croissance et l’élite craint la déflation, les chutes de prix, parce que les capitalistes investissent à peine. Nous pouvons nous attendre à de nouvelles crises bancaires et à une poursuite de la politique non conventionnelle de la Banque Centrale Européenne. Cela va provoquer l’éclatement de bulles existantes et constituer la base de crises économico-financières encore plus graves qu’en 2007-2008.
L’exemple de l’Argentine montre d’ailleurs que c’est sérieux pour les capitalistes. Aux USA, 7% des investisseurs sont allés en justice suite au non-paiement de dettes par le gouvernement argentin. Ce sont les conséquences de la crise économique du début des années 2000. Les spéculateurs ont obtenu gain de cause de la part du juge américain. Si l’Argentine ne met pas d’argent sur la table, elle peut être exclue des marchés financiers, ce qui pourrait déclencher une situation révolutionnaire dans le pays. La bourgeoisie entend ainsi faire un exemple international : n’essayez pas de ne pas payer vos dettes ou des sanctions oppressantes suivront. Le CIO est en faveur du non-paiement des dettes aux charognards financiers et aux spéculateurs, pour la nationalisation sous contrôle démocratique du secteur financier ainsi que des secteurs-clés de l’économie, sous gestion et contrôle de la population active.
Contre-révolution faute d’alternative de gauche de masse
L’un des revers de la médaille consiste en un recul dans le processus révolutionnaire, entre autres au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. En Egypte, l’an dernier, a pris place ce qu’on peut sans doute considérer comme la plus grande manifestation de l’histoire : plus de 20 millions de manifestants exigeaient la révocation du président Morsi, des Frères Musulmans. Faute d’organisations de masse indépendantes des travailleurs et des jeunes, l’armée est revenue au pouvoir, sous la direction du général Sissi. L’armée a déclenché une répression sanglante contre les fondamentalistes des Frères Musulmans, faisant 2500 morts et 16.000 blessés. Le CIO avait averti que ces méthodes visaient aussi le mouvement ouvrier. En mars, 22 militants syndicaux combatifs ont été arrêtés dans une fabrique de porcelaine et accusés d’ « appartenance » aux Frères Musulmans.
En mai, Sissi est sorti vainqueur du processus électoral mais la participation au scrutin n’était que de 46%. Il a promis de s’attaquer au chômage via des travaux d’infrastructure mais le capitalisme égyptien est trop faible pour ça. Quelques mois après son élection, de nouvelles grèves ont démarré dans différents secteurs. Sissi a promis de donner la moitié de son salaire mais il y a des limites à sa politique bonapartiste consistant à balancer entre les classes sociales. S’il continue à attaquer les subsides pour le pain ou l’essence, de nouveaux mouvements de masse peuvent commencer. En ’78, le gouvernement de Sadat est tombé après avoir augmenté les prix du pain.
A Gaza, un lourd tribut est payé suite au fait que les révolutions et mouvements de masse en Tunisie, Egypte, Libye,… n’ont pas été poursuivis – ce qui, sous une direction ouvrière socialiste aurait pu transformer toute la région. Pendant l’école d’été, 480 morts sont tombés, dont ¼ d’enfants. Seuls 52% des Israéliens estiment que l’offensive militaire peut apporter une solution. Mais pour des considérations sécuritaires, une majorité soutient encore les attaques sur Gaza. Les roquette du Hamas frappent plus largement et touchent plus profondément Israël. Cela montre à quel point les seuls moyens militaires pour mettre fin au conflit sont une voie sans issue.
La section du CIO en Israël-Palestine adopte une position de classes de principe. Le gouvernement capitaliste de Netanyahu est le plus grand agresseur avec sa politique de terreur d’état. L’oppression des Palestiniens a encore fait croître le soutien pour le Hamas fondamentaliste à Gaza. Mais une occupation de Gaza constituerait pour le gouvernement israélien un scénario cauchemardesque. Netanyahu dit bien qu’il n’est pas dans ses intentions de renverser le Hamas. Les manifestations à Israël contre la guerre sont encore relativement petites, avec, entre autres, 10.000 personnes dans les rues de Tel Aviv. A Londres, 50.000 personnes ont manifesté, à Bruxelles et dans d’autres villes aussi, d’importantes actions de protestation ont eu lieu. Un grand mouvement de protestation peut naître autour d’un tel thème international. Nous sommes en faveur d’une Palestine socialiste indépendante et d’un Israël socialiste, avec Jérusalem comme capitale partagée et de la défense des droits de toutes les minorités. Sur base capitaliste, il n’y a d’issue ni pour la population palestinienne ni pour la population israélienne.
En Irak, nous voyons la poursuite du déclin de l’état capitaliste. Tout comme en Libye, dominée par des seigneurs de guerre dans un scénario à la Mad Max. En Irak, on constate l’avènement de l’EIIL, le groupe fondamentaliste qui voit sa chance de mettre en pratique sa philosophie moyenâgeuse. L’EIIL compte quelques 15.000 combattants dont 2000 à 7000 en provenance d’Europe, selon diverses estimations. Le modèle économique de l’EIIL est celui du pillage et de la contrebande, du pétrole, entre autres. Dans une partie de la Syrie, il existe un accord tacite entre l’EILL qui contrôle les sources de pétrole et le gouvernement syrien d’Assad qui pourvoit la distribution, les bénéfices étant partagés. Des parties de l’élite saoudienne soutiennent l’EIIL financièrement, comme force sunnite contre l’Iran et peut-être aussi pour les désintéresser. Mais ils sont également craints pour leur barbarie et le fait que l’EIIL puisse viser la chute du régime saoudien. Une partie des racines de groupes de terreur tels que l’EILL est sociale, dans la faillite du capitalisme et de l’impérialisme à offrir un avenir viable. Der Spiegel a publié un article sur un combattant de l’EIIL d’un quartier reculé d’Istanbul, en Turquie. A l’EIIL, les combattants reçoivent 400 dollars par mois et d’autres avantages matériels.
L’EIIL se présente comme un groupe terroriste bien géré à ses investisseurs de manière plutôt ouverte. Mais en Irak, elle n’a pu avoir une chance qu’en soutenant des éléments sunnites qui sont complètement détachés du gouvernement, soutien à des chefs de tribus sunnites et ex- Baathistes (le partie de Saddam). Même beaucoup de Chiites ne sont pas prêts à combattre pour le gouvernement corrompu de Maliki. L’EIIL peut partiellement compter sur les couches les plus désespérées et opprimées de la région et au dehors, elle mène une politique complètement réactionnaire qui ne fait que monter les travailleurs, les paysans et les jeunes de la région les uns contre les autres.
En Asie, les plaques tectoniques d’un continent se déplacent économiquement et militairement. L’impérialisme américain essaie via ses alliés – le Japon, l’Australie, les Philippines,… – de freiner le pouvoir grandissant de la Chine. Ils stimulent la militarisation dans ces pays pour faire en sorte que le coût soit le plus réduit possible pour eux-mêmes. Au Japon, la constitution a été adaptée de sorte que l’armée puisse être impliquée à l’étranger aussi. Le Premier Ministre Abe déclare qu’il ne trouve pas grave d’être considéré comme un “militariste de droite”. Ce nationalisme amplifié et la militarisation de la région a déjà mené à des conflits entre le Japon, les Philippines et la Chine. Mais la stimulation de forces nationalistes d’extrême-droite au Japon peut, à un moment donné, aussi échapper au contrôle des USA. Au Vietnam, des rixes anti-Chinois ont été organisées dans différentes entreprises par les syndicats officiels et financées par l’état. Cela reflétait aussi un élément de protestation sociale, ce que les socialistes comprennent mais nous sommes en faveur d’organes de classe indépendants et d’actions disciplinées, pas pour la méthode contre-productive de rixes.
Sur le plan mondial, la classe ouvrière des pays développés constitue un frein aux conflits militaires directs entre grandes puissances. Mais des tensions et guerres régionales sont possibles. En aiguillonnant ses vassaux locaux, l’impérialisme américain contribue à la déstabilisation en Asie. Cela peut aussi provoquer une augmentation des coups d’état, des états manqués,… Ces tensions et conflits pourraient indirectement sérieusement miner l’économie mondiale étant donné l’importance croissante de l’Asie dans le PIB mondial.
En Ukraine, une de ces proxy-guerres a également lieu entre les différentes puissances impérialistes. Le mouvement Maidan a été récupéré par des puissances de droite et d’extrême-droite. Une grande partie de la population ukrainienne avait des illusions envers l’UE parce qu’elle n’entrevoit pas encore son rôle et voudrait être plus indépendante vis-à-vis de la Russie. Poutine pensait cependant qu’il avait un accord tacite avec l’ouest concernant l’Ukraine. La Russie avait déjà eu un aperçu de l’influence grandissante des USA en Irak, autour de la Syrie et d’autres états auparavant sous sphère d’influence soviétique. L’impérialisme russe n’est pas aussi fort que d’autres grandes puissances mais peut tout à coup se montrer très agressif. Différents intérêts économiques et militaires se jouent en Ukraine pour Poutine : assurer un passage du gaz russe vers l’Europe, défendre sa base marine en Crimée, assurer les liens entre l’industrie militaire industrie en Ukraine orientale et celle de Russie,…
La majorité de la gauche en Russie est désorientée par la propagande nationaliste de l’oligarchie russe. Ils ne voient pas de rôle indépendant pour la classe ouvrière de la région – la seule force qui puisse stopper durablement ces guerres. Poutine et les médias russes prétendent qu’ils combattent une « junte fasciste » à Kiev. Le gouvernement à Kiev est nationaliste et des forces d’extrême-droite en font partie. Mais ce ne sont pas la force prédominante.
Le CIO défend le droit à l’auto-détermination mais pas sur base de baïonnettes étrangères. La classe ouvrière doit pouvoir en décider par elle-même. Beaucoup de travailleurs, entre autres les travailleurs russophones, en Crimée ou en Ukraine orientale sont pour plus d’autonomie mais les groupes séparatistes violents n’ont certainement pas un soutien enthousiaste. Le referendum en Crimée n’était, par ailleurs, pas vraiment démocratique. Il s’agissait plus d’une reprise par l’impérialisme russe. Nous sommes en faveur d’organisations de masse indépendantes – syndicats et partis – dans la région. Nous mettons l’accent sur les intérêts communs des travailleurs et des jeunes. Tant contre le capitalisme gangster de Poutine que contre les oligarques ukrainiens, dont les gouvernements de Kiev défend les intérêts.
Les forces de la révolution: de mouvements de masse sont inévitables
En Europe, après une vague de manifestations, surtout en Europe du Sud, nous assistons à une nouvelle phase consistant plus à attendre et à assimiler la période précédente. Faute de direction et de perspective de la part des dirigeants syndicaux et du fait de l’inertie de beaucoup de nouvelles formations de gauche (Syriza en Grèce, Bloc de gauche et Parti Communiste au Portugal, IU en Espagne, Front de Gauche en France,…), nous nous trouvons dans une période de réaction légère. Des revers ont été subis, même si localement des victoires semblaient possibles aussi, mais pas il n’y a pas encore eu de défaite accablante et sanglante comme auparavant avec le fascisme. La classe ouvrière conserve son immense potentiel d’opposition et de lutte contre l’austérité et le déclin capitaliste. En Europe, l’héritage de la chute du stalinisme, de la trahison de la social-démocratie et des partis staliniens, de leur effet sur la conscience des masses,… pèsent plus lourdement qu’aux USA. Aux USA, une sérieuse radicalisation est actuellement en cours, elle est notamment canalisée et exprimée par la forte croissance de la section américaine du CIO et par la lutte victorieuse à Seattle pour une augmentation du salaire minimum.
Au Brésil, il est possible que nous entrions dans une nouvelle phase de lutte des classes. L’année dernière, les manifestations de juin ont constitué une cassure. L’augmentation des prix des transports publics a été pour ainsi dire annulée. Mais le potentiel du mouvement était plus grand que ce qui a obtenu, pensons aux revendications autour des soins de santé, de l’enseignement,… La section brésilienne du CIO a pris une part active aux manifestations. D’autres groupes de gauche ne savaient au départ pas quelle position adopter, du fait de la présence de différentes classes (il y avait même des employeurs qui manifestaient et des groupes de droite) dans la lutte.
Avec notre section, nous avons mis en avant des revendications de la classe ouvrière afin de diriger le mouvement contre l’austérité et la crise du système. Après le mouvement de juin, le gouvernement du PT a souvent été répressif contre les mouvements de grève. Ainsi, juste avant la Coupe du Monde, des dizaines d’ouvriers du métro ont été criminalisés, arrêtés et parfois licenciés suite à une grève. Les balayeurs de rue ont fait grève pendant le carnaval brésilien, grève qui a marqué un tournant et inspiré de nombreux autres groupes de travailleurs. Le gouvernement a dû annuler le licenciement des 300 travailleurs en grève lors des actions.
La colère et le malaise des travailleurs brésiliens et des jeunes atteint petit à petit le point d’ébulition, ce qui est apparu clairement autour de la Coupe du Monde. Une crise de la distribution d’eau menace pour la fin de l’année à Rio, certains quartiers ouvriers sont d’ailleurs ainsi déjà rationné quelques heures par jour. Cette désorganisation est l’une des conséquences de la privatisation de l’eau. Si une crise élcate autour de ce thème, cela pourrait avoir des conséquences profondes et conduire au déverloppement de mouvements de masse. La section brésilienne du CIO exige la renationalisation de la distribution d’eau.
Tous les signes indiquent une croissance de la lutte des classes dans la prochaine période. Il est clair que le PT et la présidente Dilma ne peuvent plus ramener la population au calme. De nouvelles explosions et mouvements sont en germe dans ce contexte. En automne, nos membres et certains proches sympathisants participent aux élections avec le parti de gauche PSol. A Rio, il y a une chance qu’un proche sympathisant de notre section soit élu, ce qui annoncerait une nouvelle phase pour notre organisation au Brésil.
La percée de Socialist Alternative aux USA a complètement modifié la position de notre section. D’une organisation relativement petite et inconnue, nous sommes passés à la plus importante force de gauche radicale aux USA. D’ici la fin de l’année, cela pourrait également se ressentir en nombre de membres. Il y a des contacts pour Socialist Alternative dans des dizaines de villes, sur base de l’élection de notre membre Kshama Sawant au conseil municipal de Seattle et de la campagne réussie et qui a fait beaucoup de bruit pour le salaire minimum de 15 dollars.
Plusieurs nouvelles sections sont en construction. Au cours de l’année écoulée, non seulement la première socialiste révolutionnaire a été élue depuis longtemps au conseil municipal mais aussi, Socialist Alternative a imposé, grâce à la construction d’un mouvement, le salaire minimum le plus élevé aux USA. Nous avons négocié et mis les représentants du capital d’une importante ville américaine sous pression, les avons obligés plusieurs fois à faire machine arrière, avons formé un front et rompu avec les dirigeants syndicaux bureaucrates à des moments stratégiques. Ceci n’a été possible qu’en analysant préalablement les possibilités et en intervenant audacieusement, là où le reste de la gauche américaine rationnalise surtout sa propre impuissance. Cela a été possible en liant les revendications directes à une organisation de centralisme démocratique qui a pu réagir, sur base d’une méthode transitoire à chaque manoeuvre et chaque wending de l’opposant – le capital et ses politiciens et médias. Une organisation socialiste a pu convaincre le mouvement à chaque stade, gràce à un dialogue constant par rapport aux tactiques utilisées, à la stratégie, aux revendications et au programme.
Le mouvement pour le salaire minimum – 15 Now – doit maintenant s’étendre et se fixer dans le reste des USA, par des actions et des campagnes locales. A Seattle, 15 Now compte 11 groupes d’action locaux dans les quartiers, où les activistes peuvent participer à la discussion et prendre de propres initiatives. Les choix stratégiques centraux et les revendications du mouvement sont discutés lors de conférences collectives. Cela a parfois mené à des discussion aigües. Il fallait s’attendre à ce que les directions syndicales traînent les pieds et mises tout sur les négociations et non pas sur la poursuite des actions. Mais même aux sommets des syndicats, certains ont dû reconnaître que 15 Now et Socialist Alternative parvenaient mieux à impliquer la base que certains syndicats mêmes. Nous avons pu convaincre une partie du cadre moyen des syndicats, une couche d’activistes de quartier,… de notre stratégie.
A la commission sur l’instauration du salaire minimum – organisé par la ville – le big business et les Démocrates ont essayé de fuir par tous les côtés. 15 Now et Sawant argumentaient – une concession tactique à la conscience plus large – que les plus petites entreprises (moins de 500 travailleurs) auraient trois ans pour passer aux 15 dollars La campagne de la droite et des médias bourgeois martelaient en effet la “menace” de faillite des petites entreprises en cas d’introduction d’un tel salaire minimum. Certains autres groupes de gauche nous ont critiqué pour cela. Mais, c’est une chose de critiquer en spectateur sur la bord du chemin, c’en est une autre de mener un combat réel sur base d’une évaluation correcte des rapports de force.
Il aurait peut-être été possible d’aller plus loin si les dirigeants syndicaux avaient clairement lutté pour 15 dollars pour tous. Nous avons constamment appelé la direction syndicale à prendre une position de classe indépendante et de s’opposer aux mensonges des médias bourgeois. Socialist Alternative a frappé le capital d’une manière particulière – ce que certains opposants parmi la bourgeoisie ont reconnu. Le salaire minimum de 15 dollars fera sortir, au cours des trois prochaines années, 3 milliards de dollars des poches du capital. Des dizaines de milliers de travailleurs seront sortis de la pauvreté à Seattle. CNN.com constatait : “La victoire à Seattle montre en dernière instance ce que l’histoire a déjà montré à plusieurs reprises : si les travailleurs sont organisés, elles peuvent faire payer le big business”.
Après le mouvement Occupy, Socialist Alternative a appelé à lancer, avec le mouvement, “200 candidats Occupy” aux élections. Nous avons lancé cet appel pour montrer ce qui était possible. Finalement, nous n’avons pas pu pleinement concrétiser cet appel à renforcer la lutte sur le terrain politique. Mais Kshama Sawant a été élue à Seattle avec presque 100.000 voix – la bourgeoisie a été surprise et n’avait pas prévu ça. Ensuite, une nouvelle victoire est arrivée avec la campagne qui a imposé les 15 dollars à Seattle. Jusqu’au dernier moment, Socialist Alternative a lutté avec les activistes contre l’affaiblissement de la proposition pour enfin, instaurer le salaire minimum comme victoire pour le mouvement.
La bourgeoisie et ses institutions se sont laissées surprendre à deux reprises à Seattle, mais probablement pas une troisième. Dans la campagne pour l’élection de notre camarade Jess Spear, son contre-candidat démocrate Frank Chopp essaie de se faire passer pour plus progressif qu’il ne l’est et les directions syndicales et d’autres organisations sont mises sous pression pour qu’elles ne se prononcent pas en faveur de Jess Spear et Socialist Alternative. Le journal populaire The Stranger, qui s’est prononcé dans le passsé pour Sawant, a procedé à un revirement et soutient maintenant Chopp. Mais une partie de la rédaction n’était pas d’accord, ce qui a provoqué une polémique au journal. Une victoire de Spear n’est pas très probable mais un score solide montrerait que l’élection de Sawant ne doit pas rester un évènement isolé. Socialist Alternative est maintenant présentée par certains médias capitalistes comme l’opposition officielle à Seattle.
En Afrique du Sud, la lutte des mineurs et le drame de Marikana – lors duquel le gouvernement ANC a donné l’ordre de tirer sur des travailleurs en train de manifester – ont changé la situation. Lorsque le syndicat Numsa s’est prononcé en faveur d’un nouveau parti des travailleurs, basé sur des idées socialistes, cela a constitué un développement très important. Hélas, le Numsa n’a pas appelé à voter pour le nouveau parti de gauche, le WASP et le modeste résultat du WASP aux élections peut un peu ralentir le processus visant à initier par nous-mêmes de prochains pas.
Lors de l’école d’été, 230.000 travailleurs du métal étaient encore en grève pour réclamer de meilleurs salaires. Une proposition d’augmentation de 13% avait déjà été rejetée. Ces grèves de Numsa ont été décrites par un commenteur comme “l’éventuel début d’une révolution ouvrière”. L’Afrique du Sud reste l’un des pays où les mouvements de lutte mais aussi des éléments d’une conscience socialiste plus large sont déjà plus nombreux et ont déjà atteint un niveau plus explosif.
L’Afrique du Sud doit être l’un des rares pays où un résultat de plus de 60% aux élections doit être considéré comme un échec pour le parti au pouvoir. L’ANC a ainsi perdu plus de 200.000 voix et a chuté de 11,3%. Seuls 32 % de la population en droit de voter a encore été voter pour l’ANC, malgré la distribution de paquets de nourriture et le soutien ouvert de l’appareil d’état. De plus, la bourgeoisie n’est pas encore parvenue à développer une alternative à l’ANC. Dans l’opposition de droite, l’Alliance Démocratique, une crise interne a éclaté entre les candidats noirs sur les lises et l’élite blanche. Et ce, malgré le progrès en voix lors des élections. Avec la création du WASP, nos membres en Afrique du Sud estiment qu’ils ont contribué à la différenciation sur le plan politique et au sein du syndicat Numsa. Au cours de la prochaine période, ce processus sera approfondi sur base de la lutte et des conclusions que les masses en tireront.
En Chine, le ralentissement économique entraîne des réactions nerveuses de la part de la bureaucratie de parti. Le mouvement pro-démocratie à Hong Kong est particulièrement suivi avec méfiance. La direction stalinienne à Pékin craint que le mouvement ne s’étende au continent. Beaucoup de travailleurs et de jeunes utilisent les médias sociaux pour suivre le mouvement de masse à Hong Kong. En Chine même, il y a un durcissement du climat social. Les grèves durent plus longtemps et le nombre de mouvements sociaux augmente fortement. Il n’y a pas de syndicats indépendants en Chine mais des militants syndicaux forment des réseaux pour se soutenir lors de luttes. Une crise économique en Chine ne provoquera pas de chocs que sur le plan économique. La classe ouvrière chinoise est une forces croissante avec un potentiel révolutionnaire dont le capitalisme mondial pourrait aussi ressentir les ondes de choc.