La campagne pour les élections fédérales de cette année est désormais lancée. Les préparatifs des partis traditionnels vont de pair avec une série de propositions antisociales, le tout nappé d’une sauce communautaire. Le Premier ministre Verhofstadt (VLD) a pondu un “nouveau” Manifeste du Citoyen. Son possible successeur Yves Leterme (CD&V) y est allé d’une petite phrase sur la nécessité d’une politique d’austérité pure et dure comme aux Pays-Bas.
Geert Cool
Le Manifeste du Citoyen de Verhofstadt est moins innovateur que son auteur voudrait nous le faire croire. Verhofstadt y propose de calculer davantage le temps de travail plutôt en termes d’heures de carrière. Des horaires individuels permettent d’augmenter la flexibilité, bien entendu parce que les travailleurs demanderaient « des horaires de travail souples », et aussi de remettre en cause l’âge de la pension.
Sauce hollandaise…
Pour les chômeurs, Verhofstadt a repris une idée de son collègue de parti Rik Daems. Il s’agit d’imposer aux chômeurs des “emplois de proximité” à temps partiel en échange de leur allocation de chômage. Les fossoyeurs néolibéraux du service public ne précisent évidemment pas que cela se fera au détriment d’emplois qui étaient auparavant prestés par du personnel statutaire.
Le candidat le plus souvent cité à la succession de Verhofstadt, Yves Leterme (CD&V), est politiquement proche des propositions de Verhofstadt. Leterme se prononce aussi pour accentuer… la même politique. Au début du mois de décembre, lors d’un déjeuner-débat avec de petits entrepreneurs à Gand, il a dit qu’il voulait mener une politique similaire à celle de son homologue hollandais Balkenende: une politique néolibérale pure et dure avec de graves atteintes à la sécurité sociale et aux salaires. Balkenende et son parti chrétien-démocrate sont même allés aux élections avec la « promesse » d’allonger la durée du travail hebdomadaire de 38 heures à 40 heures sans augmentation de salaire.
Leterme ne semble pas se soucier de la résistance que vont susciter de telles atteintes aux conditions de travail et de salaire ainsi qu’aux droits des chômeurs. « Mieux vaut une adaptation en profondeur que laisser les choses suivre leur cours » (…) Même si ça doit susciter quelques remous en septembre et octobre. »
De son côté, Frank Vandenbroucke (SP.a), ministre de l’enseignement flamand et promoteur de la chasse aux chômeurs, trouve lui aussi qu’il faut régionaliser l’emploi. Cela aboutira immanquablement à des différences dans les conditions d’accès au chômage, les critères d’ “emploi convenable”,…
Tout cela doit remplir d’aise Karel Van Eetvelt, porte-parole de l’Union des Classes Moyennes flamandes (UNIZO) qui s’indigne qu’ “actuellement seuls 10% des milliers de chômeurs qui n’ont pas suffisamment cherché d’emploi ont été sanctionnés. Il y a obstruction au niveau national.”
Régionaliser l’emploi servira donc à exclure plus de chômeurs en Flandre d’abord, en Wallonie ensuite.
… et goût de l’effort
Un autre candidat Premier ministre, c’est Elio Di Rupo. Il a surtout insisté sur le fait qu’il était peut-être temps qu’un francophone devienne Premier ministre. Malgré toutes les chamailleries et les problèmes internes, il ne ménage pas ses efforts pour former un front de tous les partis francophones.
Le profil très flamand du CD&V lui facilite la tâche à tel point que la présidente du CDH Joëlle Milquet a déclaré : « sur le plan institutionnel, le CD&V n’est absolument pas notre parti frère, (…) les partis francophones sont ma famille politique. » En même temps, elle propose un “contrat collectif” qui obligerait chaque chômeur inscrit à suivre une formation.
Le ministre wallon de l’emploi et de l’économie, Jean-Claude Marcourt, lui emboîte le pas avec son nouveau contrat de gestion pour le FOREm. Il y prône une « culture de l’effort » et une individualisation accrue de l’accompagnement des chômeurs, un doux euphémisme qui dissimule une pression accrue à accepter n’importe quel emploi.
L’une et l’autre présentent leurs propositions, qui augmentent la concurrence entre salariés sur le marché du travail sans créer d’emplois, comme des alternatives aux revendications flamandes de régionalisation accrue de la politique de l’emploi. Di Rupo était satisfait du Manifeste du Citoyen de Verhofstadt parce qu’il y évitait toute surenchère communautaire. Verhofstadt y parle d’emploi, d’économie et du climat. « Nous sommes donc sur la même longueur d’onde », a déclaré di Rupo.
Que Verhofstadt se succède à lui-même ou qu’il soit remplacé par Leterme ou di Rupo, il est déjà certains que les prochaines années seront encore marquées du sceau de la politique néolibérale qui consiste à économiser sur le dos des travailleurs et de leurs familles pour augmenter les profits des entreprises.
Tests de popularité
Vu que les partis traditionnels convergent sur l’essentiel, ils vont de nouveau mettre l’accent sur la forme. Les publicistes dominaient déjà la campagne pour les élections communales. Patrick Janssens a donné l’exemple. Le publiciste Noël Slangen lui a emboîté le pas en rejoignant le bureau du VLD. Mais les autres partis n’accordent pas moins d’importance à la perception.
Michel Daerden (PS) a accédé à la renommée mondiale avec sa fameuse interview où il n’était manifestement pas en possession de tous ses moyens. Il a suffit de cette prestation comique à la télévision pour faire grimper en flèche la cote de popularité de Daerden. D’après un sondage de La Libre Belgique, il est maintenant le sixième politicien le plus populaire du côté francophone. Daerden s’appuie maintenant là-dessus pour revendiquer la tête de liste à Liège.
C’est ainsi qu’on fait de la politique actuellement. L’image prime tout sans qu’elle ait besoin de la politique pour être façonnée. La popularité ne repose pas sur une politique, mais sur une image.
Besoin d’une autre politique
Face aux partis traditionnels et à l’extrême droite, nous avons besoin d’une autre politique. D’une politique qui rompe avec le néoliberalisme et qui soit du côté des travailleurs et de leurs familles. Après le mouvement contre le Pacte des Générations, c’est la conclusion qu’a tirée un groupe de militants syndicaux et politiques, de travailleurs, … Le Comité pour une Autre Politique (CAP) a été créé sur cette base.
Le CAP présentera ses propres listes aux élections. Des pourparlers avec le PTB sur la possibilité d’un cartel dans la province d’Anvers ont buté sur la condition du PTB que Jef Sleeckx y soit lui-même candidat malgré ses 70 ans. Le PTB n’était intéressé que par le nom de Sleeckx. Nous pensons pourtant qu’on a besoin d’une autre politique qui parte de la base.
Quand Jef Sleeckx a dit dans une interview qu’il y avait eu des discussions avec des militants de Groen !, certains médias ont aussitôt annoncé que le CAP négociait avec Groen !. Il n’y a pas de discussions prévues avec Groen !. La motion qui a été votée le 28 octobre dit clairement que le CAP ne collaborera pas avec des forces politiques qui participent ou ont participé à la politique néolibérale ou qui ont approuvé la Constitution européenne. Dans un cas comme dans l’autre, Groen ! peut se sentir visé à juste titre selon nous. Cela n’empêche pas que beaucoup de membres de Groen ! montrent de l’intérêt pour le projet du CAP.
Ce type de réaction médiatique fait partie intégrante de la politique actuelle : beaucoup d’attention aux personnalités et aux petits jeux politiciens à visée électoraliste. Il ne manque plus que les demandes de participation à toutes sortes de programmes de divertissement à la télévision.
Le CAP rompt avec cette politique avec un programme et une campagne où la solidarité occupe la place centrale. Solidarité avec toutes les victimes du système néolibéral: les ouvriers de VW qui doivent travailler plus dur ou pour moins cher, les usagers des bureaux de poste qui vont disparaître, les chômeurs qui se font radier, les travailleurs déjà financièrement exsangues à cause des prix élevés du logement et qui doivent payer plus cher leur électricité suite à la libéralisation,…
Le MAS/LSP apportera sa pierre à la campagne électorale. Nous voulons nous atteler avec le CAP à la construction d’un large réseau de solidarité qui puisse renforcer la résistance à la politique néolibérale. Nous livrons en pages 6 et 7 des interviews sur l’état des lieux de la campagne du CAP : le programme, la campagne électorale, la construction d’une organisation nationale, …