VW-Forest. Une paix sociale sans accord est une illusion

Trois semaines à peine après la fin d’une grève de 7 semaines, les travailleurs de VW ont de nouveau stoppé le travail. Motif? Pour certains: la prise en otage et la menace de la survie de l’entreprise par un petit noyau dur de militants-FGTB principalement francophones. Selon l’Alternative Socialiste : le fait que la grève s’est terminée sans solutions, tant pour ceux qui ont accepté la prime de départ, que pour ceux qui ont “l’obligation morale” (c’est formulé ainsi) de partir en prépension et pour la structure future de l’entreprise.

Eric Byl

Pas de garanties écrites

Même le journal patronal flamand de Tijd, qu’on ne peut pas soupçonner d’être à gauche, a conclu ainsi son éditorial du 26 janvier: “Le personnel de Forest qui ne part pas avec une super-prime, veut des garanties quant à son avenir. Sur papier. Tant que celles-ci ne sont pas réalisées, il y aura du chahut aux portes de Forest.”

La direction de Forest pensait pouvoir s’en sortir avec sa stratégie de pourrissement. Sept semaines de grève, dont 6 payées par VW, et la promesse de primes record auraient dû suffire pour que les travailleurs retournent au turbin sur les genoux.. Les délégations syndicales ont été habilement trompées. Tant la direction belge que Verhofstadt, Van Velthoven et Vande Lanotte se sont présentés comme des alliés “pragmatiques”. Ils ont, d’après leurs dires, tout fait pour limiter les dégâts et sauver l’entreprise. Même les organisations patronales ont soudainement trouvé des milliers de postes vacants. Une exception aux règles du Pacte de Générations n’a finalement pas été retenue, mais « avec tant de chômeurs, la possibilité de réemployer des plus de 50 ans est minimale » ont annoncé les délégations syndicales.

Beaucoup de promesses, donc. Mais rien sur papier. Un employé a écrit sur le site néerlandophone des travailleurs de VW: “Comme employé, j’ai les réflexions suivantes. Cela fait 3 semaines que nous avons repris le travail. Nous n’avons toujours pas plus d’info qu’avant la reprise. Nous ne savons encore rien sur notre avenir. Notre direction n’a aucune réponse concrète à donner. Est-ce qu’il faut s’étonner alors de la frustration régnante? De plus en plus, je me demande si tout ce scénario n’est pas un jeu prémédité de la direction.”

Aucun plan d’action

La situation à VW est porteuse de leçons pour tous les syndicalistes.

Au printemps 2006: l’hebdomadaire “Der Spiegel” annonce un plan de restructuration pour Forest, voire même sa fermeture. Pas de calicots, ni de tracts, ni de réunions d’informations. Au contraire, les délégations syndicales reconfirment leur confiance dans la direction. Du temps précieux pour construire un rapport de forces est perdu.

Au conseil d’entreprise du 21 novembre, un débrayage spontanné a déjà lieu. La direction annonce la perte de 4.000 emplois. Suit une assemblée du personnel avec une participation massive, y compris des travailleurs des usines de sous-traitance. Les discours se font à partir du deuxième étage du parking sans possibilité de poser des questions ou de faire des remarques. Il n’y a pas de tract reprenant les points principaux du conseil d’entreprise, ni de mot d’ordre. L’option des primes de départ est tout de suite évoquée, pas un mot sur un plan d’action. Chaque orateur conclut avec une déclaration de solidarité avec les travailleurs en sous-traitance, mais leurs délégués et militants ne sont jamais invités aux réunions de militants à VW et ils se retrouvent, comme beaucoup d’autres, dépendants de la presse.

Mis sous pression, les syndicats organisent une manifestation de solidarité le 2 décembre. Des bus sont alors organisés pour tracter les autres usines d’assemblage. Mais un vrai plan d’action en vue de transformer la large solidarité avec les travailleurs de VW en mobilisation concrète n’est pas construit. C’est au MAS, au PTB et au Comité de soutien de VW de distribuer des affiches de solidarité, là où les syndicats disposent d’un réseau énorme de délégués, de militants et de membres qui peuvent, sur un mot de leurs directions, distribuer partout dans le pays de telles affichettes. Une grève de solidarité dans toutes les grandes entreprises, même durant une seule heure, n’est à aucun moment prise en considération. Néanmoins, 25.000 personnes participent à la manif, mais elles sont renvoyées chez elles sans mot d’ordre.

Les délégations syndicales rendent bien visite aux patrons et aux politiciens, mais les travailleurs, chez eux ou au piquet, en sont réduits à deviner ce qui se passe. Verhofstadt réussit à se profiler comme le sauveur de VW après avoir obtenu de vagues concessions de la direction sur le maintient de 3.000 postes et la possibilité de produire, à partir de 2009, des Audi A1 à Forest.

Victoire à la Pyrrhus

Ce n’est donc pas étonnant que beaucoup de travailleurs ont choisi de mettre de l’eau dans leur vin en acceptant les primes de départ. Après deux ans d’impôts, il n’en restera plus qu’un tiers, ce dont beaucoup ne s’étaient pas encore rendu compte. Les délégations ont laissé s’inscrire des travailleurs avant même d’avoir trouvé des solutions pour toutes les catégories, y compris les pré-pensionnables et ceux qui continueront à travailler à VW. De cette façon, ils ont de nouveau abondonné la construction d’un rapport de forces.

Finalement, les délégations ont, sans garanties pour le futur, fait voter la fin de la grève par un référendum mal organisé, et même selon certains manipulé. Le résultat : 56% contre 44% pour l’arrêt de la grève. Cette “victoire d’en haut” la direction la paiera cher. Une paix sociale ne s’impose ni par la menace, ni par l’usure, mais par un accord porté par la base.

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