Interview d’Alex Rouillard, membre de la Gauche Révolutionnaire, organisation-soeur du Mouvement pour une Alternative Socialiste en France.
Alternative Socialiste : En Belgique aussi, on parle beaucoup des élections présidentielles françaises. Vu d’ici, ou plutôt vu de la presse bourgeoise, on a un peu l’impression qu’il ne s’agit que d’un match Nicolas Sarkozy/ Ségolène Royal. On imagine que c’est un peu plus compliqué…
Alex Rouillard : C’est au contraire plus simple. La france connaît un gouvernement de droite depuis plusieurs années. Une politique néo-libérale extrême a été menée qui a conduit à la résistance des jeunes et des travailleurs. dans ce contexte, il est logique qu’apparaisse une forte polarisation entre celui qui représente la continuation de cette politique et la recherche d’un ou une candidat capable de s’y opposer.
AS : Ségolène Royal représente-t-elle cela ?
AR : Malgré des tentatives, il n’y a pas de candidats capables de représenter les luttes passées en rassemblant autour de lui. Ségolène Royal capte l’anti-sarko mais pas par ses positions politiques. S’opposer à Sarkozy sur le terrain électoral est la question centrale de son programme.
AS : Donc, Ségolène n’est pas assez à gauche. Mais en 2002, on avait dit la même chose de jospin et, affaiblit par l’extrême-gauche, c’est Le Pen qui est passé au second tour…
AR : Si Jospin a fait si peu de voix en 2002, c’est parce que la politique qu’il avait menée n’était pas assez à gauche et les travailleurs ne lui ont donc pas apporté leur soutien. Le Pen a capté à l’époque une partie du mécontentement mais on a vu au second tour qu’il n’a pas plus progressé. A l’époque, l’extreme gauche a fait plus de 10 % mais n’a pas cherché à utiliser ce score pour construire une alternative. Aujoursd’hui, Royal ne se différencie pas de Jospin. La différence est que le gouvernement actuel est un gouvernement officiellement de droite qui porte donc le bilan des attaques menées ces dernières années. Ce qui manque face à ça, c’est un ou une candidate qui défendrait un programme anti-capitaliste et une perspective de rassemblement pour construire une alternative. Dans un tel cas, il ne serait pas certain qu’elle arrive à capter tout l’effet anti-Sarko, et ce ne serait pas Le Pen qui en bénéficierait.
AS : La Gauche révolutionnaire ne se présentera pas à l’élection présidentielle.
AR : Nous ne pouvons pas nous présenter pour une question de moyens. Nous sommes en faveur qu’un candidat rassemble les jeunes et les travailleurs contre la politique néo-libérale. Mais aucune force se réclamant de l’anti-capitalisme ou de l’anti-néo-libéralisme n’a cherché à le faire réellement. Le problème n’est pas celui d’une dispersion des voix à gauche de Ségolène, mais plutôt celui de l’absence d’une candidature qui rassemble ces voix. Elle aurait mis au centre de son action la préparation des luttes futures contre Sarkozy ou Royal. Chacun des deux au pouvoir mènera une politique d’attaques contres les acquis des travailleurs. C’est l’absence d’un nouveau parti des travailleurs qui permet à Royal et à Sarkozy d’occuper à ce point le débat politique.
Ni la LCR (Ligue Communiste révolutionnaire), ni LO (Lutte Ouvrière) n’ont voulu d’un tel candidat. Pour autant, la question d’un maximum de voix se portant sur ceux qui sont perçus par les jeunes, les travailleurs… et les patrons comme anti-capitalistes est importante.
AS : Vous allez donc appeler à voter pour la LCR et LO ?
Oui, nous appellerons à voter pour eux au premier tour. En même temps, nous appellerons à transformer ce soutien électoral en un rassemblement pour les luttes futures qui vont nous opposer aux futures attaques néo-libérales du prochain gouvernement.
Certains vont voter pour Ségolène Royal pour empêcher Sarkozy de passer. Nous comprenons largement ce souci et nous ne chercherons pas à faire le jeu de Sarko, nous ne sommes pas partisans de la politique du pire. Mais là aussi, la question centrale, quel que soit le scénario du second tour, sera de préparer les luttes des travailleurs. A travers elles il faudra défendre la nécessité d’un parti indépendant des travailleurs et des jeunes, et l’absence d’un tel organe de lutte est la grande caractéristique de ces élections.