Enseignement : Attention, danger !

On le savait l’austérité était destinée à s’abattre durement sur nous une fois les élections passées, à tous les niveaux de pouvoir. Côté francophone, les prétendues futures coalitions « progressistes » PS-CDH (avec le FDF pour la Région bruxelloise) ne sont pas en reste. Tout d’abord avait filtré le chiffre d’un effort austéritaire de 2 fois 150 millions d’euros pour les budgets de l’enseignement (en 2015 et 2016). Mais il semblerait maintenant qu’il s’agirait d’une mesure récurrente. Voilà de quoi sérieusement inquiéter membres du personnel (enseignant ou non), étudiants et parents.

Il nous faut encore attendre pour voir comment l’austérité va concrètement frapper le secteur de l’enseignement. Mais une chose est certaine : quelle que soit la méthode, cela fera très mal. Aujourd’hui déjà, le manque de moyens est criant. Alors que 7% du Produit Intérieur Brut étaient consacrés à l’enseignement dans les années ’80, il n’est plus aujourd’hui question que de 5% environ. Les conséquences ne sont pas surprenantes : un enseignement très inégalitaire, des classes surpeuplées, des installations vétustes, des locaux en préfabriqué, des activités pédagogiques rachitiques et un taux de départ impressionnant parmi les jeunes profs : 40% des enseignants quittent leur profession dans les cinq premières années !

Le budget global de l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles est actuellement de 7 milliards d’euros. De cette somme, 87% sont dévolus aux frais de personnel, le reste étant consacré au fonctionnement et aux bâtiments. Inutile de dire que les enseignants vont payer le prix fort des futures mesures d’austérité. De quelle manière ? Les idées ne manquent pas, et la dernière qui a fuité dans la presse fait état de la suppression des options et filières peu fréquentées dans l’enseignement technique et professionnel. Mais ce sera insuffisant et l’impact de l’économie ne se fera pas sentir de suite. Des pertes d’emplois sèches et nettes seront très certainement au rendez-vous, au sein d’un cocktail des plus explosifs pour notre enseignement.

Le site enseignons.be dénonce : « Elle semble loin, la promesse électorale d’engager 1.000 enseignants supplémentaires pour organiser de la remédiation immédiate dans les écoles. Tant le PS que le cdH avaient fait de l’enseignement une priorité dans leurs programmes électoraux. (…) les profs savent déjà que la rentrée sera chaude sur le front social. » (1)

Manifestation du 5 mai 2011. Les priorités des autorités étaient très clairement dénoncées…

Dans l’édition du Soir d’aujourd’hui, le responsable de la CSC-Enseignement Eugène Ernst dénonce lui aussi « Le PS parlait d’engager 1.000 enseignants au fondamental, de payer la cantine des gosses et le cdH disait qu’il voulait de l’argent pour le Libre. C’est où, tout ça, maintenant ? (…) Nous sommes prêts à réagir, dès la rentrée, avec un plan qui ira crescendo – de l’information des militants à l’action ! » A la CGSP, pascal Chardome déclare de son côté : « On verra ce qui sort des négociations. Mais on est prêts… » (2)

Attention maintenant à ne pas se laisser bercer par une tactique bien connue et dénoncée à juste titre sur le site enseignons.be : « Nous lirons et entendrons sûrement beaucoup d’horreurs dans les prochaines semaines. La tactique est connue : on fait fuiter des pistes dans la presse des réformes inconcevables pour les enseignants et les pouvoirs organisateurs. On fait mousser… puis on propose une économie moindre qui fait consensus. Et tout le monde rentre dans le rang. Classique. Lorsque, pendant des jours, on fait craindre au malade qu’il faudra lui couper les deux jambes, il saute de joie (s’il le peut encore) en apprenant qu’on ne l’amputera finalement que d’un seul pied. Dur à imaginer, quand même… Vu la situation de notre enseignement, il n’est pas question que les profs se mettent à boiter. » (3)

Ne nous laissons pas faire !

Il nous faut un bon plan d’action en front commun syndical allant crescendo, avec des actions de grèves. Le potentiel est très clairement présent pour mener la lutte de manière efficace. C’est ce qu’avaient d’ailleurs illustré les mobilisations de mai 2011. Les travailleurs de l’enseignement étaient alors plus de 12.000 à manifester dans les rues de Liège le 5 mai : plus d’un enseignant sur 10 ! La moitié du corps enseignant francophone était en grève ce jour-là pour la première fois depuis 1996 afin de réagir contre les atteintes aux prépensions (DPPR, disponibilité précédant la pension de retraite). Hélas, faute de plan de mobilisation et d’action, la lutte en est restée là, à quelques petites actions près.

Les moyens qui manquent à l’enseignement le font de plus en plus ressembler à un système de garderie plutôt qu’à un système éducatif. Ce n’est pas neuf. Le ras-le-bol est général, de nombreux professeurs estiment qu’il est impossible de faire son boulot correctement, sans parler du manque de considération de la profession. Sans riposte audacieuse, les choses ne feront qu’empirer !

La seule manière de bloquer l’offensive antisociale qui se prépare, et par la suite d’arracher un refinancement public massif de l’enseignement, c’est de l’imposer aux politiciens de l’establishment, grâce à des actions massives et coordonnées. La colère est largement présente aujourd’hui dans la société, et le secteur de l’enseignement n’est pas le seul à être durement menacé, le mieux serait ainsi de coordonner la riposte au sein d’un large front de résistance contre l’austérité. Il est grand temps que le mouvement organisé des travailleurs se fasse sérieusement entendre dans le débat !

Les moyens ne manquent pas pour un enseignement et des services publics de qualité, avec des conditions de travail et de salaire qui permettent à chacun de s’épanouir au lieu de considérer son travail comme une charge insurmontable. Ce n’est qu’une question de choix politiques : il faut aller chercher l’argent là où il est, parmi cette infime élite de parasites capitalistes qui s’enrichit encore plus en nous faisant payer une crise dont elle est la seule responsable.

(1) http://www.enseignons.be/actualites/2014/06/23/faut-il-craindre-pertes-demplois-lenseignement/
(2) Eugène Ernst (CSC) : « Les enseignants ont été dupés ! » Le Soir, 10 juillet 2014
(3) http://www.enseignons.be/actualites/2014/06/27/enseignement-pourra-t-on-echapper-aux-pertes-demplois/

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