Résistance ouvrière en Irak

Le seul espoir pour les travailleurs irakiens est la reconstruction du mouvement ouvrier. Cela n’est pas un slogan creux, mais l’ampleur de cette tâche est immense, après plus de 40 ans de répression impitoyable contre ce qui furent autrefois un puissant mouvement syndical basé sur les industries pétrolières et l’un des plus grands partis communistes du monde arabe.

Nicolas Croes

Cette difficulté est encore accentuée par la participation du Parti Communiste Irakien à la coalition pro-américaine et au gouvernement qu’elle a mis en place ainsi que par la mainmise qu’exerce depuis lors ce même PCI sur la Fédération Irakienne des Syndicats (IFTU – qui a pris la place de l’ancien syndicat unique baathiste sous le régime de Saddam) qui a ainsi été neutralisée sur une ligne de soutien au gouvernement.

Mais dès le début de l’invasion, on a pu assister à de premiers développements de cette reconstruction d’un mouvement ouvrier indépendant.

Dès l’entrée des troupes coalisées en Irak, une vague de grèves a été déclenchée de laquelle est sortie la Fédération des Syndicats et Conseils Ouvriers en Irak (Federation of Workers Councils and Unions in Iraq – FWCUI) forte aujourd’hui de 350.000 membres et qui est active dans l’industrie (coton, cuir, bois, agro-alimentaire, transports) aussi bien que dans les services publics (administration, santé, banques). C’est aujourd’hui le principal syndicat libre d’Irak, à côté de la Fédération irakienne des syndicats, seule fédération à être reconnue par l’Etat.

Dès sa création, liée à la formation du Syndicat des Chômeurs d’Irak (UUI), la FWCUI s’est engagée pour le retrait des troupes d’occupation, de véritables droits sociaux, un système laïque, la pleine égalité hommes-femmes, la libre élection des délégués syndicaux et la revendication d’une nouvelle législation du travail. Les lois répressives de Saddam Hussein (code du travail de 1987) sont en effet toujours en vigueur : elles interdisent les grèves et les syndicats libres et n’autorisent l’activité que d’un seul syndicat, et uniquement dans le secteur privé (10% seulement de l’économie).

A côté de la FWCUI existent également des syndicats de branches autonomes, notamment chez les enseignants et dans le secteur pétrolier.

En 2003, c’est grâce à la mobilisation héroïque des militants et militantes des organisations du mouvement ouvrier renaissant (Fédération des Syndicats et des Conseils Ouvriers, Organisation Pour la Liberté des Femmes en Irak, Syndicat des Chômeurs d’Irak, Parti Communiste-Ouvrier d’Irak ) que la tentative du gouvernement pro-US d’imposer la loi islamique, la Sharia, fut mise en échec.

Depuis, ce processus s’est développé par l’intermédiaire des luttes menées par les ouvriers du pétrole, les étudiants, les chômeurs (le chômage touche près de 70% de la population selon les estimations), pour les droits de femmes et des homosexuels,…

Sur base de ces luttes, le 5 décembre 2006, plusieurs leaders syndicaux se sont rencontrés en vue d’organiser une conférence générale des travailleurs. Leur objectif est de discuter des problèmes essentiels des travailleurs dans la situation de guerre civile et de mettre fin à la division actuelle du mouvement ouvrier. Etaient présents la Fédération des conseils ouvriers et syndicats en Irak, la Fédération générale des travailleurs irakiens, le Syndicat de la construction, le Syndicat des ingénieurs en Irak, le Syndicat des ingénieurs du secteur pétrolier,…

L’enjeu de ce processus est la création d’un mouvement ouvrier uni capable de mener la lutte pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs et de la population, contre l’occupation américaine et son gouvernement fantoche, mais aussi contre les dangers de guerre civile et d’instauration de nouveaux régimes dictatoriaux par les milices et partis, qu’ils soient saddamistes, nationalistes, djihadistes sunnistes ou intégristes chiites.

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