Extraits d’une série d’articles du site du Mouvement Socialiste de Lutte, section du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) en Israël-Palestine. Cet article est paru ce mardi 8 juillet sur le site du CIO, socialistworld.net.
Au moment de publier cet article, le gouvernement israélien venait de lancer une nouvelle série de frappes aériennes et de bombardements sur la population assiégée de Gaza, au nom de l’opération « protective edge ». Depuis le début de cet assaut, le nombre de morts dans la bande de Gaza a dépassé la dizaine, dont deux enfants de moins de cinq ans. Au moins 75 Palestiniens ont été blessés depuis lundi. Il s’agit d’une nouvelle étape de cette escalade de violence de la part du gouvernement israélien qui menace de déboucher sur un conflit plus large.
Le Premier ministre israélien Netanyahu et d’autres ministres du gouvernement se sont sentis obligés de condamner l’effroyable assassinat d’un adolescent palestinien, Mohammad Abou Khdeir, à Jérusalem-Est. Mais ce ne sont que des larmes de crocodiles. Les tragiques événements de ces dernières semaines reflètent les conséquences de leur politique d’occupation répressive continuelle sur les territoires palestiniens ainsi que leur programme agressif basé sur les colonies juives.
Les incitations nationalistes israéliennes à la vengeance après l’assassinat brutal de trois adolescents israéliens, dont les corps ont été retrouvés le 30 juin dernier, ont été exprimées tant par Netanyahu que par d’autres représentants des partis au pouvoir. Ils veulent détourner l’attention de l’échec de leurs politiques et des conséquences catastrophiques qui en découlent. Ce gouvernement tout entier acquis à la défense des grandes entreprises et des colonies a maintenant bien du mal à garder le contrôle des événements qui ont surgi à la suite de ses actes.
Une série d’attaques racistes commises à Jérusalem par des nationalistes israéliens d’extrême droite contre des travailleurs palestiniens et des passants – ce qui a notamment conduit à l’assassinat d’Abou-Khdeir le 2 juillet – a suscité une vague d’indignation, de protestations et d’émeutes dans les communautés palestiniennes de certaines régions d’Israël. Il s’agit du plus grand mouvement de protestation parmi les Arabes d’Israël depuis des années.
Il y a également eu des manifestations et des rassemblements réunissant Juifs et Arabes à Jérusalem, Tel Aviv et Haïfa afin de s’opposer tant aux attaques d’extrême droite qu’au gouvernement.
A mesure que les protestations palestiniennes se développaient, les médias israéliens se sont empressés d’accorder une grande attention aux cas les plus inquiétants de destruction de biens et d’attaques contre les Juifs, tout en minimisant le contexte d’incitation à la haine, de discrimination, d’agressions racistes et de colère contre l’occupation qui a conduit à ce que l’indignation s’exprime dans les rues.
Les politiques gouvernementales sont responsables du terreau sur lequel s’est développé la colère qui émerge dans les événements actuels : occupation et blocus continuels dans les territoires palestiniens, grave discrimination contre les communautés arabes israéliennes dans tous les domaines et constante incitation aux attaques racistes. Les jeunes palestiniens voient leur avenir grossièrement bafoué par ce gouvernement de droite israélien, et ils sont descendus dans les rues afin de manifester d’exprimer leur rage et leur frustration.
Les offensives du gouvernement
Après avoir appris l’enlèvement des trois jeunes israéliens, le gouvernement Netanyahou a profité de l’événement pour promouvoir son agenda politique, en favorisant une atmosphère de propagande nationaliste, notamment afin de démanteler le gouvernement de coalition de l’Autorité palestinienne qui réunit le Fatah et le Hamas.
Les services de renseignement israéliens ont suggéré que deux suspects des meurtres – qui n’avaient pas encore été pris – étaient de jeunes activistes du Hamas de Hébron. Le Hamas a toutefois nié toute responsabilité. Il est tout aussi possible que certains de ses partisans aient agi sans le consentement de leurs dirigeants ou encore que des personnes extérieures au Hamas aient commis ces meurtres.
Le gouvernement a lancé une campagne militaire de punition collective dans les territoires occupés. Plusieurs palestiniens, principalement des jeunes, ont été tués par l’armée israélienne au cours des raids lancés sur la Cisjordanie et la Bande de Gaza.
Les menaces de destruction des maisons des familles des suspects et la décision de démolir la maison de la famille de l’assassin d’un officier de police abattu près de Hébron sont des punitions collectives brutales contre des parents qui n’ont été reconnus coupables d’aucune infraction. Lors d’une de ces attaques, un bébé d’un mois a été blessé.
Ces démolitions ne vont jamais « dissuader » l’organisation d’attaques terroristes; en fait, l’expérience démontre que cela est au contraire susceptible de renforcer la motivation des couches les plus désespérées de la société palestinienne pour mener des actes de représailles. Cette politique est principalement utilisé pour détourner l’attention de l’échec de la stratégie sécuritaire du gouvernement Netanyahu. Des mesures similaires n’ont jamais été infligées aux familles des tueurs juifs israéliens tels que Baruch Goldstein, un terroriste d’extrême droite qui a perpétré le massacre du Tombeau des Patriarches à Khalil / Hébron en 1994. Il avait tué 29 Palestiniens et en avait blessé plus de 120.
Les tentatives des autorités israéliennes visant à »décourager » les Palestiniens de commettre des attentats, des enlèvements et des tirs de roquettes ont largement prouvé leur faillite. Des milliers de personnes ont perdu la vie des mains des forces israéliennes sans qu’aucun problème n’ait été résolu. Toute cette »guerre contre le terrorisme » des gouvernements pro-Big Business et pro-colonies n’a eu pour effet que plus de sang soit versé et que la situation soit encore plus compliquée.
Au cours de la première Intifada palestinienne, en 1987-1993, le gouvernement israélien a essayé de renforcer le parti islamiste de droite Hamas afin de contrer les organisations palestiniennes laïques qui réclamaient la fin de l’occupation. Maintenant, le gouvernement est en guerre contre le Hamas, causant une détresse et un deuil inimaginable pour les Palestiniens, de la bande de Gaza en particulier. Cela pose les bases de la croissance de nouvelles organisations réactionnaires, y compris de groupes de type al-Qaïda.
Le danger de l’escalade
Dans le contexte du Ramadan, de l’instabilité régionale et de la pression internationale sur Israël, il semble que la majorité des chefs de l’armée et du gouvernement préférerait à ce stade d’éviter une escalade militaire majeure. Néanmoins, malgré cette réticence, ils ont décidé de poursuivre leurs attaques militaires sur Gaza, en représailles de l’augmentation des tirs de roquettes. Les troupes sont mobilisées le long de la Bande de Gaza et des réservistes ont été rappelés.
Le gouvernement peut aussi répondre aux exigences du ministre Naftali Bennett et du conseil de Yesha (pro-colonies) en favorisant une nouvelle vague de construction de colonies. Netanyahu a parlé de l’établissement d’une nouvelle colonie au nom des adolescents israéliens assassinés, exploitant ainsi leurs décès afin de promouvoir l’agenda politique des colons de droite.
Le danger d’une escalade de la violence dans les jours et semaines à venir est important, que ce soit à la suite d’attaques militaires, de répression policière des manifestations ou d’autres attaques terroristes.
Les ministres Avigdor Lieberman et Naftali Bennett essayent de mobiliser un soutien en exploitant de façon raciste les sentiments de choc et d’insécurité de la population juive à l’aide d’une démagogie nationaliste. Tous deux plaident pour une offensive militaire majeure sur la Bande de Gaza. Ils appellent en d’autres termes à plus d’effusions de sang. Cela ne résoudra rien, mais causera simplement plus de perte humaines et de traumatismes. Les Gazaouis en souffriraient le plus, et de loin, mais la population israélienne n’échapperait pas à l’effusion de sang, comme en témoignent les tirs de roquettes.
Lieberman, ministre des Affaires étrangères, a déclaré la fin de l’alliance de son parti avec le Likoud de Netanyahu sur base du désaccord concernant la politique à mener à Gaza. Lieberman a également utilisé la tension actuelle pour revenir sur l’idée de l’annexion par la force des communautés arabes en Israël vers un futur Etat palestinien. Il ne veut pas reconnaître les droits des citoyens palestiniens d’Israël et ne veut pas que ces collectivités soient en mesure de décider démocratiquement de participer ou non à la construction d’un Etat palestinien. Son objectif est de supprimer la minorité palestinienne en Israël.
Toutefois, reflétant l’inquiétude d’une partie de l’élite israélienne, l’ancien chef des services de sécurité israéliens Yuval Diskin a accusé vendredi dernier le gouvernement de « la détérioration rapide de la situation en matière de sécurité » et a attaqué « l’illusion que tout peut être résolu avec un peu plus de force; l’illusion que les Palestiniens vont simplement accepter tout ce que nous faisons en Cisjordanie et ne pas réagir malgré leur colère, leur frustration et l’aggravation de la situation économique; l’illusion que la communauté internationale ne va pas imposer de sanctions contre nous, l’illusion que les citoyens arabes d’Israël ne vont pas descendre dans la rue en l’absence de solution pour leurs problèmes, l’illusion que l’opinion publique israélienne continuera d’accepter docilement les réponses incompétentes du gouvernement face à la fracture sociale que ses politiques n’ont fait qu’empirer alors que la corruption continue de ronger tout ce qui est bon, et ainsi de suite. » Il a averti que même si le calme revient « les vapeurs combustibles ne vont pas se dissiper, et si nous ne les dissipons pas, il y aura une situation encore plus grave à l’avenir. »
Le développement des protestations
Les actes désespérés de vandalisme et les attaques nationalistes contre des civils par une petite minorité de manifestants ne vont pas aider à l’arrivée d’un changement de politique de la part du gouvernement. Les conditions de vie des jeunes Palestiniens ne vont pas s’améliorer de cette manière. Ces actes vont aliéner les la population qui en est victime, et ce sera utilisé par le gouvernement comme excuse pour une répression plus sévère des manifestants au nom de la »tolérance zéro ».
Cependant, l’ampleur des protestations palestiniennes en Israël met en lumière non seulement la frustration et la détresse présentes, mais aussi sur le potentiel pour une lutte plus large contre le gouvernement, contre les attaques anti-palestiniens et contre l’occupation. Cette lutte nécessite la construction d’un grand mouvement de protestation organisé démocratiquement et unissant Juifs et Arabes sur base d’un programme et d’actions destinées à sérieusement inquiéter le gouvernement israélien et l’extrême droite.
La mise en place de comités d’action dans les communautés où les manifestations se déroulent pourrait aider à organiser des mesures plus audacieuses pour faire avancer la lutte, avec notamment la construction de comité d’auto-défense démocratiquement élus pour faire face à la répression de l’Etat et pour prévenir les manifestations de finir en émeutes auto-destructrices et en attaques physiques nationalistes. Ces comités pourraient développer un ensemble de revendications pour la paix et la résolution des problèmes sociaux, ce qui pourrait mobiliser une large couche de Juifs et d’Arabes pour des manifestations communes, base pour la création de comités de travailleurs et d’organisations étudiantes.
Beaucoup d’Israéliens détestent la barbarie de l’extrême droite et en ont assez des politiques gouvernementales qui n’ont apporté qu’un autre cycle de violence alors que la crise sociale s’approfondit. Un récent sondage a démontré un soutien croissant pour le parti travailliste et le Meretz, ce qui indique que malgré la réaction nationaliste actuelle, certaines couches de l’opinion publique israélienne sont intéressées par des partis considérés comme étant de gauche. Les sondages d’opinion continuent aussi d’indiquer que la majorité de la population israélienne soutient le démantèlement des colonies et la fin de l’occupation.
Le Mouvement Socialiste de Lutte soutient la nécessité de la création d’un nouveau parti de lutte des travailleurs réunissant Juifs et Arabes afin de défendre les intérêts de tous les travailleurs et de mettre en avant une alternative socialiste claire contre l’inévitable tragédie d’une société aux mains des capitalistes et de la droite nationaliste.
Nous exigeons :
- Le renforcement des protestations contre l’extrême droite et le le gouvernement pro-capitaliste et pro-colonies de Netanyahu. Pour des manifestations conjointes de Juifs et d’Arabes – Non aux agressions nationalistes ! Pour la création de comités d’action dans les communautés où les manifestations ont lieu afin d’aider à l’organisation de la lutte.
- Pour le droit de protester, pour la fin des brutalités policières. Pour un contrôle démocratique sur la police, en les soumettant à un contrôle démocratique exercé par des comités de police communautaires. Pour le retrait des policiers racistes.
- Pour le retrait de l’armée des territoires palestiniens! Pour la fin de l’occupation et des colonies, pour la fin du siège de Gaza. Le conflit national ne sera pas résolu par des moyens militaires!
- Pour la libération de tous les prisonniers politiques palestiniens. Pour un procès équitable des palestiniens et Israéliens soupçonnés d’atrocités dans le cadre du conflit, à travers des tribunaux publics, sous la supervision de représentant des travailleurs et des communautés des deux parts du conflit, avec l’implication des familles de victimes israéliennes et palestiniennes.
- Pour un Etat indépendant palestinien socialiste et démocratique, au côtés d’un Isralël socialiste et démocratique, avec Jérusalem comme capitale commune, le droit au retour des réfugiés et des droits égaux pour les minorités, dans le cadre de la lutte pour un Moyen-Orient socialiste et pour la paix régionale.
Unité contre la violence raciste
• Le 2 juillet, environ 1.000 personnes ont participé à un rassemblement contre la violence nationaliste au centre de Jérusalem à l’appel de la campagne »la Lumière à la place de la Terreur ». Après cela, des participants ont manifesté jusqu’aux bureaux du Premier ministre pour mettre en lumière la responsabilité de Netanyahu dans les événements actuels, puisqu’il a encouragé la violence de l’extrême droite.
• Le jour d’après, plus de 1.000 manifestants se sont réunis place d’Habima à Tel Aviv, également afin de s’opposer à l’occupation des territoires palestiniens et à la politique du gouvernement.
• Le 5 juillet, 300 Juifs et Arabes ont manifesté au centre de Haifa en réponse à une manifestation d’une trentaine de manifestants d’extrême droite qui criaient »Mort aux Arabes » deux jours avant cela. Parmi les orateurs de cette contre-manifestation se trouvait Shay Galy, du Mouvement Socialiste de Lutte, qui a dénoncé que durant les prétendus pourparlers de paix, le gouvernement a : “en moins de 9 mois, approuvé la construction de 13.000 nouvelles habitations dans les colonies, détruit plus de 500 habitations palestiniennes en Cisjordanie et à Jérusalem Est, tué 61 palestiniens et blessé 1.100.” Il a ensuite développé les exigences suivantes : « Non aux attaques militaires à Gaza, non à la continuation de l’oppression en Cisjordanie et à Jérusalem-Est. Oui à une réelle sécurité tant pour les Palestiniens que pour les Israéliens. »
• La famille d’un des trois adolescents israélien assassinés a publiquement condamné le meurtre du jeune Palestinien Abu-Khdeir et a contacté sa famille pour livrer ses condoléances. En parallèle, des Palestiniens de la région de Hebron se sont rendus à leur maison (qui ne se trouve pas dans une colonie) pour livrer leurs condoléances.