Referendum chez VW

Aujourd’hui, les travailleurs s’expriment par referendum sur la question de la poursuite ou non de la grève. Ils le font sous une lourde pression, aussi bien des médias, que de la direction et une partie des délégations syndicales. Ils sont dans l’incertitude sur beaucoup de points.

Eric Byl

Cela est apparu clairement dans les commentaires des délégations syndicales ce matin, lors de la réunion du personnel organisée à la hâte avant le référendum. Les grandes lignes sont connues : le nombre d’ouvriers qui restent, le nombre de départs volontaires, et le nombre de prépensions. Le volume de production est également connu, mais pour le savoir, il n’est pas nécessaire de venir au piquet.

Les délégations du personnel de VW ont manqué plusieurs fois d’élan ces dernières semaines. Ainsi, cette assemblée du personnel était seulement la 2ème sur six semaines de grève. Normalement, on en organise au minimum une par semaine, de telle manière que chacun reste concerné et reste informé de l’évolution de la situation.

Il fallut une lutte farouche dans le comité FGTB de l’usine pour forcer cette assemblée du personnel et pour déterminer qui prendrait la parole. A défaut de quoi, on fonçait vers un référendum par courrier auquel les 1900 travailleurs qui ont déjà opté pour la prime de départ auraient participé. Normalement, on devrait attendre qu’une solution soit trouvée pour tout le monde, avant de proposer un plan au vote, auquel tout le monde devrait participer.

En ouvrant la porte il y a quelques semaines à une prime de départ, on a brisé la solidarité. Il est évident que ceux qui ont signé veulent recevoir leur prime le plus vite possible et veulent en conséquence que la grève s’arrête. La grève concerne en fait surtout les conditions de départ à la préretraite et les conditions de travail de ceux qui vont rester. Il ne serait pas honnête de laisser ceux qui vont quitter le navire déterminer les conditions de travail ou de départ des autres.

La réunion du personnel a été annoncée seulement deux jours avant la date, par e-mail et par sms ! Comme s’il nombre de participants à cette réunion n’était pas important. Nous ne connaissons pas meilleure manière d’inviter les travailleurs à rester chez eux… C’est un beau cadeau aux charognards de la presse et de la direction, de laisser l’impression que seule une petite minorité est encore intéressée.

Heureusement, 2000 à 2500 travailleurs participèrent à cette assemblée. Les travailleurs n’ont reçu aucune information préalable à la maison, ce qui leur aurait permis de réfléchir à leur aise aux propositions, d’en discuter éventuellement avec leurs familles… Ils n’ont même pas reçu un tract avec les propositions, pendant ou même après l’assemblée générale. En plus, l’assemblée du personnel était à sens unique : il s’agissait d’une communication des syndicats vers le personnel, sans possibilité de poser des questions. Après la réunion, on a voulu procéder au vote. Mais étant donné que la liste de ceux qui avaient signé pour la prime de départ n’était pas encore disponible, cela a traîné, et beaucoup de travailleurs sont repartis sans avoir voté. Qui profitera de cet enlisement ?La direction, naturellement.

Le délégué principal CSC a commenté la situation : il y aura du travail durant les deux prochaines années pour 2200 travailleurs (et donc pas 3000), en deux équipes (la nuit et le week-end disparaissent), pour un volume de production de 84.000 voitures : 48.000 polos, 14.000 golfs et 22.000… encore à déterminer, sans doute l’Audi A3, mais nous le saurons quand nous serons au travail… Ce genre de « clin d’oeil », n’a pas été apprécié par l’assemblée : ni par les néerlandophones ni par les francophones qui ne devaient pas comprendre beaucoup de mots flamands pour comprendre qu’on leur faisait avaler des couleuvres. En outre, on travaillera 4 jours par semaine, pas le vendredi, ce qui signifie qu’il y aura du chômage économique pour une équipe, pour les autres un jour libre. Aucun mot sur les montants nets exacts qui se cachent derrière les chiffres bruts des primes (les impôts peuvent prélever quelque 70% sur deux ans…). Pas un mot non plus sur le fait que la contribution pour les prépensionnés tienne compte du pécule de vacances seulement pour les employés.

Pas un mot non plus sur la question de savoir si les prépensionnés qui seront reçus dans les cellules de remises au travail se retrouveront seuls face aux fonctionnaires ou bien seront accompagnés et représentés collectivement par leurs syndicats.

Cette intervention fut ensuite traduite, et puis ce fut au tour du délégué principal FGTB de répéter la même chose. Il ajouta que les travailleurs de nuit et de week-end pourraient compter sur leurs salaires complets durant la période réglementaire prévue par la loi Renault. Quant aux prépensions qui posent problème à l’esprit du pacte des générations, la mise en place de cellules de reclassement obligatoires fait en sorte que le pacte des générations est respecté à la lettre. Mais cela ne semble pas poser de problème aux dirigeants de la FGTB « vu qu’aucun patron ne va se précipiter pour embaucher un ancien ouvrier de VW, alors qu’il y a déjà quelque 500.000 chômeurs disponibles. Les amis du PS au gouvernement manieront-ils encore le spectre de la suspension ?

Une autre représentante de la FGTB a ensuite pris la parole, et ce qu’on essayait de nous faire croire devenait clair. Elle insista sur le fait que les propositions qui avaient été présentées, étaient ce que la direction voulait donner, pas ce qu’elle pouvait donner. Elle a également précisé que la période à laquelle faisait référence son collègue à propos des primes de nuit et de week-end n’était que de 3 mois. Passé ce terme, adieu les primes… Elle a annoncé que si la grève était reconduite, une grosse assemblée serait tenue mardi prochain au piquet pour, enfin, mettre en place un plan d’action. Cette intervention a exprimé ce que les travailleurs avaient sur le cœur, comme en ont témoigné les différentes réactions.

Le délégué principal des libéraux essaya encore une fois d’opposer les Flamands aux francophones.

La plupart des Flamands étaient toutefois d’accord avec la plupart des francophones présents : laisser traduire le speech combatif de la déléguée principale FGTB par un le délégué principal libéral relevait de l’hypocrisie : plutôt pas de traduction qu’une « trahison » complète.

La lutte chez VW est arrivée dans une phase cruciale. Selon les règles que les syndicats se sont imposées (de manière discutable), 66% des voix sont nécessaires pour que la grève puisse continuer. Après toutes les occasions manquées, après si peu de participation et en l’absence d’un plan d’action, il était presque exclu que 66% des travailleurs se prononcent pour la poursuite de la grève. En plus, la direction avait préalablement menacé : le résultat du referendum est crucial ! Car la décision sur l’Audi A1 en 2009, ou même la promesse du 3ème modèle pourraient être remises en question. Les médias ont préparé l’opinion du mieux possible avec leurs histoires sur les travailleurs de VW qui ont gagné au Lotto, de même avec les grosses primes de départ, dont il ne restera plus rien après quelques années. Nous pouvons et devons déplorer le déroulement de la lutte à VW. Mais nous devons surtout en tirer des leçons pour savoir comment nous devons mener la lutte syndicale et de quels instruments politiques nous avons besoin pour y parvenir.

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